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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production du Retour d’Ulysse de Monteverdi dans une mise en scène de Krystian Laba et sous la direction de Johannes Keller au Théâtre de Bâle.
Ulysse ne rentrera pas ce soir
Porté par un groupe de chanteurs enthousiasmants d’engagement scénique et de musicalité, le (non-)Retour d’Ulysse découpé et monté par Krystian Lada avec la complicité du chef Johannes Keller questionne avec impertinence la notion de patrie. Dans le cadre intime du Schauspieltheater de Bâle, un spectacle revigorant.
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Occulter, supprimer ou remplacer un personnage principal ou secondaire d’une pièce théâtrale est une tendance certaine dans le monde de l’opéra aujourd’hui. Elle offre indéniablement un renouvellement de la grammaire dramaturgique pour les œuvres de répertoire. Krystian Lada utilise pleinement ce genre d’outils dans sa mise en scène du Retour d’Ulysse dans sa patrie. Du reste pour filer la métaphore du bricolage, le décor consiste en une immense étagère d’où les dieux tirent boîtes, accessoires et humains !
Si la disparition de petits rôles ne fait que raccourcir l’intrigue, la fusion des personnages des trois prétendants avec les dieux devient un jeu supplémentaire dans cette pièce où les interactions entre monde divin et monde humain sont fondamentales. Toutefois, c’est l’absence d’Ulysse qui marque cette production. Lorsque sa barque s’échoue sur le rivage d’Ithaque, seuls huit de ses compagnons sont à bord. Des voix préenregistrées mêlées à des bruits électroniques un peu envahissants nous apprennent qu’il s’agit de migrants dont les témoignages viennent questionner la notion de patrie. Car, finalement, qu’est que la patrie pour Ulysse qui ne rentre pas et qui a déjà été absent deux décennies ?
À Bâle, dans la Suisse d’aujourd’hui, où la nationalité repose sur le droit du sang et non du sol, la question prend une résonnance particulière, tandis que sur scène le comédien qui chante le rôle du bouffon Iro se lance dans une diatribe autant glaçante qu’humoristique, digne d’un Suisse des plus réactionnaires. En toute logique, Pénélope accueille et reconnaît chacun des huit hommes qui présentent leur histoire individuelle en quelques mots. Mais c’est avec sa propre voix préenregistrée qu’elle entonne le duo final dans l’apaisement.
Souffrant parfois des ruptures entre musique et rĂ©cits, le spectacle est emportĂ© par les chanteurs jouant des registres de l’émotion et du comique avec beaucoup de finesse. Les trois dieux sont impayables et servis avec talent : le jeune ThĂ©o Imart dont la voix de contretĂ©nor bien projetĂ©e montre une musicalitĂ© confondante, la basse Alex Rosen au timbre magnifique joue d’une Ă©loquence somptueuse, tandis que Rolf Romei use avec expression de sa voix de tĂ©nor. Victime de leurs tourments mais faisant face avec dĂ©termination, la superbe PĂ©nĂ©lope de Katarina BradĂc Ă©voque par son magnĂ©tisme l’actrice Emma Thompson. Parmi les petits rĂ´les, c’est Ronan Caillet un jeune du programme OperAvenir qui montre en EumĂ©e une aisance vocale autant que scĂ©nique.
Dans la fosse et sur une balustrade derrière les chanteurs, les musiciens de la Cetra en effectif réduit composent sous la direction de Johannes Keller le plus sensible des accompagnements.
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