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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Nouvelle production du Retour d’Ulysse de Monteverdi dans une mise en scène de Krystian Laba et sous la direction de Johannes Keller au Théâtre de Bâle.

Ulysse ne rentrera pas ce soir
© Judith Schlosser

Porté par un groupe de chanteurs enthousiasmants d’engagement scénique et de musicalité, le (non-)Retour d’Ulysse découpé et monté par Krystian Lada avec la complicité du chef Johannes Keller questionne avec impertinence la notion de patrie. Dans le cadre intime du Schauspieltheater de Bâle, un spectacle revigorant.
 

Theater, Basel
Le 16/02/2022
Thomas DESCHAMPS
 



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  • Occulter, supprimer ou remplacer un personnage principal ou secondaire d’une pièce théâtrale est une tendance certaine dans le monde de l’opĂ©ra aujourd’hui. Elle offre indĂ©niablement un renouvellement de la grammaire dramaturgique pour les Ĺ“uvres de rĂ©pertoire. Krystian Lada utilise pleinement ce genre d’outils dans sa mise en scène du Retour d’Ulysse dans sa patrie. Du reste pour filer la mĂ©taphore du bricolage, le dĂ©cor consiste en une immense Ă©tagère d’oĂą les dieux tirent boĂ®tes, accessoires et humains !

    Si la disparition de petits rôles ne fait que raccourcir l’intrigue, la fusion des personnages des trois prétendants avec les dieux devient un jeu supplémentaire dans cette pièce où les interactions entre monde divin et monde humain sont fondamentales. Toutefois, c’est l’absence d’Ulysse qui marque cette production. Lorsque sa barque s’échoue sur le rivage d’Ithaque, seuls huit de ses compagnons sont à bord. Des voix préenregistrées mêlées à des bruits électroniques un peu envahissants nous apprennent qu’il s’agit de migrants dont les témoignages viennent questionner la notion de patrie. Car, finalement, qu’est que la patrie pour Ulysse qui ne rentre pas et qui a déjà été absent deux décennies ?

    À Bâle, dans la Suisse d’aujourd’hui, où la nationalité repose sur le droit du sang et non du sol, la question prend une résonnance particulière, tandis que sur scène le comédien qui chante le rôle du bouffon Iro se lance dans une diatribe autant glaçante qu’humoristique, digne d’un Suisse des plus réactionnaires. En toute logique, Pénélope accueille et reconnaît chacun des huit hommes qui présentent leur histoire individuelle en quelques mots. Mais c’est avec sa propre voix préenregistrée qu’elle entonne le duo final dans l’apaisement.

    Souffrant parfois des ruptures entre musique et récits, le spectacle est emporté par les chanteurs jouant des registres de l’émotion et du comique avec beaucoup de finesse. Les trois dieux sont impayables et servis avec talent : le jeune Théo Imart dont la voix de contreténor bien projetée montre une musicalité confondante, la basse Alex Rosen au timbre magnifique joue d’une éloquence somptueuse, tandis que Rolf Romei use avec expression de sa voix de ténor. Victime de leurs tourments mais faisant face avec détermination, la superbe Pénélope de Katarina Bradíc évoque par son magnétisme l’actrice Emma Thompson. Parmi les petits rôles, c’est Ronan Caillet un jeune du programme OperAvenir qui montre en Eumée une aisance vocale autant que scénique.

    Dans la fosse et sur une balustrade derrière les chanteurs, les musiciens de la Cetra en effectif réduit composent sous la direction de Johannes Keller le plus sensible des accompagnements.




    Theater, Basel
    Le 16/02/2022
    Thomas DESCHAMPS

    Nouvelle production du Retour d’Ulysse de Monteverdi dans une mise en scène de Krystian Laba et sous la direction de Johannes Keller au Théâtre de Bâle.
    Claudio Monteverdi (1567-1643)
    Il Ritorno d’Ulisse in patria, opéra en un prologue et trois actes (1640)
    Livret de Giacomo Badoaro basé sur la fin de L’Odyssée d’Homère
    I Musici de la Cetra
    direction : Johannes Keller
    mise en scène : Krystian Lada
    décors : Didzis Jaunzems
    costumes : Bente Rolandsdotter
    sons : Nicolas Buzzi
    Ă©clairages : Meret KĂĽndig

    Avec :
    Katarina Bradíc (Penelope / la Fragilité humaine), Théo Imart (Junon / Amphinomos / Amour), Rolf Romel (Jupiter / Pisandre / le Destin), Alex Rosen (Neptune / Antinoos / le Temps), Stefanie Knorr (Minerve), James McCorkle (Télémaque), Ronan Caillet (Eumée), Martin Hug (Iro).

     


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