Après une centaine de mètres de tunnel encadré par de magnifique hors-bords aux coques boisées et de photos en noir et blanc de stars sur ces bateaux, une scène temporaire est montée dans le cadre du Festival du Printemps des Arts, prête à accueillir devant une dizaine de rangées de chaises les deux artistes du jour.

Un rapide discours du nouveau directeur du Festival, Bruno Mantovani, met en abîme le programme par rapport à la curiosité qu’ont pu apporter les nouveaux instruments dans la technique et le style des compositeurs, en l’occurrence ici le saxophone. Puis Gaspard Dehaene et Sandro Compagnon débutent avec les Six petites pièces de Marc Vaubourgoin.

Dynamiques et influencées par le jazz, les pièces de 1951 profitent du souffle long et de la dynamique du jeune saxophoniste, ensuite plus romantique pour aborder l’Aria d’Eugène Bozza, de 1936, doux thème dont le programme de salle énonce un rapprochement, évident dès la première phrase, avec la plus célèbre Vocalise de Rachmaninov. Le piano reste en retrait mais accompagne toujours d’un geste souple l’instrument à vent.

Le Concertino de Paul Pierné – à ne pas confondre son homonyme, Gabriel Pierné –, puis surtout l’Impression d’automne d’André Caplet, ajoutent une touche onirique, encore développée avec la Rapsodie de Debussy, écrite elle aussi pour saxophone alto et piano. Là encore, l’instrument prend plus de place que le clavier sur la scène sonore, d’où se démarque à nouveau le jeu puissant au souffle inaltérable de Compagnon.

Après un court précipité, l’instrumentiste revient cette fois avec un saxophone soprano, dont l’aigu sature un peu, d’autant que l’acoustique surprenante du lieu élargit particulièrement la voix de l’instrument, d’un volume conséquent pour les auditeurs des premiers rangs. La Sonatine de Ravel, transcrite par Claude Delangle pour hautbois puis pour saxophone soprano, clôt le programme officiel, cependant loin d’être achevé, puisqu’à peine conclue, elle se voit prolongée par un long bis : la Sonate pour violon et piano de Ravel, à présent arrangée par le saxophoniste lui-même.

Alors, celui-ci déploie toute sa verve et impressionne par un souffle incroyable, tout particulièrement dans le Finale, lié pendant trois minutes avec la respiration continue, technique de reprise d’air sans interruption du son, les joues gonflées à la manière des cornemuseurs. Jamais fatigué, il reprend ce bis à la demande du public, puis sera de la partie jusque tard dans la nuit pour un after jazzie à l’Hôtel Hermitage, cette fois accompagné au piano par Bruno Mantovani lui-même.