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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital du pianiste Benjamin Grosvenor dans le cadre des Concerts du dimanche matin au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Le piano fantasmagorique
Fidèle des concerts produits par Jeanine Roze au Théâtre des Champs-Élysées, le Britannique Benjamin Grosvenor a montré une nouvelle fois ce dimanche matin sa maîtrise exceptionnelle du clavier. Mais ce sont ses lectures personnelles qui font toute la singularité d’un artiste mettant toute sa virtuosité au service de l’expression musicale.
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L’art de la programmation se peaufine. Au dernier moment, Benjamin Grosvenor choisit de remplacer la Fantaisie de Schumann par les Kreisleriana. Un choix très judicieux tant la forme et les dimensions de ces huit mouvements passionnés s’intègrent facilement au reste du programme. Le pianiste anglais en offre une lecture profondément intime et interrogative, personnelle en somme. Si les oppositions d’états d’âme sont bien présentes au sein de chaque morceau, rendues avec une facilité déconcertante, c’est le cheminement et la progression qui se détachent de cette interprétation.
La virtuosité se fait à chaque fois, plus présente sans qu’elle ne tourne à vide. Au contraire, elle allie précision des dynamiques et des valeurs rythmiques pour une expression sombre qui semble progressivement écarter la rêverie. Sans précipitation mais aussi sans aucun alanguissement pittoresque, Grosvenor prolonge cet état d’esprit avec le premier cahier d’Iberia d’Albéniz.
Le tempo parfait choisi pour Evocación lui permet de chanter pleinement lors de la modification du premier thème. Comme précédemment, les variations dynamiques importantes ne donnent jamais l’impression de séquences. Une unité de pensée se dégage du jeu, avec des accords piano qui sonnent comme autant de repères poétiques, même dans la joie effervescente d’El Puerto. Et la coda de La Fête-Dieu à Séville résume tout de cet art de la réminiscence.
Les Jeux d’eau de Ravel offre ensuite comme un intermède d’une séduction sonore immédiate et sans mélanges, avant l’extraordinaire et sombre Valse. Grosvenor en maîtrise toutes les subtilités mais aussi toute la violence des attaques. La virtuosité devient la servante d’une vision noire et effrayante. Quasiment immobile face au clavier, le pianiste se déchaîne tout en semblant n’être jamais à court de puissance jusque dans les derniers accords, glaçants.
Le premier bis, une Danse argentine de Ginastera soulage et ravit par son lyrisme ingénu. En un génial retour à la fantasmagorie, Grosvenor choisit de clore ce récital par La Ronde des lutins de Liszt où le merveilleux se teinte ici et là d’accents inquiétants.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 10/04/2022 Thomas DESCHAMPS |
| Récital du pianiste Benjamin Grosvenor dans le cadre des Concerts du dimanche matin au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Robert Schumann (1810-1856)
Kreisleriana (1838)
Isaac Albéniz (1860-1909)
Iberia
Maurice Ravel (1875-1937)
Jeux d’eau (1901)
La Valse (1920)
Benjamin Grosvenor, piano | |
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