Plutôt qu’entrer dans le vif par un puissant ouvrage symphonique de Xenakis, Pascal Rophé préfère débuter le concert d’ouverture du week-end par une pièce plus légère, le Scherzo fantastique op. 3 d’Igor Stravinski, écrit juste avant la trilogie des grands ballets. Bien maintenu dans le rythme par la rigueur de la battue, le Philharmonique de Radio France se déploie parmi des sonorités françaises et des couleurs claires, notamment aux trois harpes.
Puis on entre dans la violence de Keqrops, pour laquelle un piano a été installé sur le devant de la scène, tenu avec force par Nicolas Hodges. Volontairement cacophonique, l’introduction ne permet d’abord pas de bien démarquer le pianiste, ensuite plus audible, bien que presque toujours accompagné d’imposantes masses sonores d’où se démarquent les flûtes et les trombones. Le public demande un bis, mais Hodges préfère s’arrêter là.
L’entracte passé, Hélène Devilleneuve a pris la place centrale et entre pleinement dans la création du Concerto pour hautbois de Philippe Hurel. D’un matériau moins compact que les pièces encadrantes de Xenakis, l’œuvre présente cependant une texture tendue par l’instrument soliste, excellement joué, tandis qu’autour se développe un tissu spectral fragmentaire, marqué par de nombreux glissandi. Grand moment de la pièce, la cadence est portée par la soliste dans une communication en trio avec les deux autres hautboïstes de la formation, avant que la pièce ne s’achève sur une longue plainte.
La dernière œuvre du programme est aussi la plus dense et profite comme les autres de la battue précise et équilibrée de Pascal Rophé. Composé en 1981 d’après le chant éponyme de L’Odysée, Nekuia utilise les textes de Françoise Xenakis, la femme du compositeur, et de Jean-Paul Richter, pour développer un parcours sombre à travers les abysses, ici très bien énoncées par le Chœur de Radio France en arrière-scène. Ferme, le matériau se développe tant au chant qu’à l’orchestre, moins violent que pour Keqrops, bien que tout de même brut et dans le plus beau style du compositeur, trop peu interprété de nos jours en dehors de ces deux week-ends d’hommages parisiens.
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