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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Concerts de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig sous la direction d’Andris Nelsons, avec le concours du pianiste Rudolf Buchbinder à la Philharmonie de Paris.

De la fougue à l’abstraction
© Thomas Deschamps

Amputé des deux concerts avec l’Orchestre symphonique de Boston, le cycle Richard Strauss donné par Andris Nelsons déploie des lignes de force incontestables basées sur l’impact de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Hésitant entre expressionnisme et abstraction, le style assumé par le chef et ses musiciens laisse de côté bien des aspects de cette musique.
 

Philharmonie, Paris
Le 31/05/2022
Thomas DESCHAMPS
 



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  • Jadis, Ă  la tĂŞte de l’Orchestre de Birmingham Andris Nelsons avait un peu le comportement d’un terre-neuve sur une plage, se jetant avec fougue sur tel ou tel pupitre. Dix ans plus tard, dirigeant l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, le chef letton de 43 ans ne bouge pratiquement plus, Ă©conomisant les gestes. L’embonpoint spectaculaire y est peut-ĂŞtre pour quelque chose, en tout cas une Ă©volution artistique se dessine concert après concert.

    Le choix de tempos lents étonne, surtout dans Don Juan qui inaugure ce mini festival Richard Strauss et dans Une vie de héros qui le clôt. Cette dernière œuvre, Nelson la boucle en cinquante minutes là où Carlos Kleiber en mettait quarante ! Cette dilatation résulte notamment du choix d’arrêter la pulsation dans les parties les plus retenues. Ainsi le hautbois chantant les courbes de Donna Anna évolue-t-il dans un environnement minéral extrêmement tenu.

    La Compagne d’Une vie de héros semble paralysée à l’instar du premier violon abandonné de tout soutien orchestral pour une scansion de loin en loin. Le côté narratif s’en trouve estompé au profit d’effets plastiques indéniables. Nelsons accuse les angles, accentue les crescendos, souligne les transitions. À ce jeu, la Burleske perd la fluidité attendue, mettant les musiciens en difficulté, laissant dans un autre monde le pianiste Rudolf Buchbinder qui démontre en revanche un idiome de carte postale dans la Soirée de Vienne (J. Strauss/Grünfeld) donnée en bis.

    La pâte orchestrale déployée frappe par son aspect dense, compact, riche en couleurs. L’absence totale de transparence convient tout à fait au Macbeth de jeunesse dont est superbement rendu le côté primal. Partout, durant les deux soirées, l’Orchestre du Gewandhaus fait montre de qualités collectives patentes compte tenu des choix interprétatifs.

    D’un point de vue individuel, la virtuosité est variable mais elle ne devient problématique que pour l’un des deux premiers violons. Détonnant au-delà de l’acceptable, Sebastian Breuninger surjoue telle une diva délirante les solos dans Don Juan et plus encore dans Zarathoustra, ce qui s’accorde mal à la conception plastique très cadrée du chef. Pour autant, l’esthétique développée laisse le plus souvent perplexe.

    Un point de rupture est atteint avec les valses du Chevalier à la rose. D’un trait épais, Nelsons insiste lourdement sur les contrastes dynamiques, oubliant les danses, fuyant le théâtre pour une luxuriance orchestrale monstrueuse. En revanche, difficile de résister à l’impact phénoménal de l’introduction de son Zarathoustra dont il traite les épisodes suivants avec une alternance de vigueur et d’immobilisme. Mais que penser de cette cloche assourdissante digne d’une caricature de la Fantastique de Berlioz ?

    Le cadre nocturne poétique évoqué par le compositeur vole en éclats pour un expressionisme qui confine à l’épate. Finalement, le meilleur de ces concerts réside dans la dernière partie d’Une vie de héros où Nelsons règle de main de maître les longs dégradés conduisant à l’apaisement final. Cette musique atteint cette fois une abstraction fascinante et l’on pense plus que jamais pendant ces soirées à un autre chef : Sergiu Celibidache.




    Philharmonie, Paris
    Le 31/05/2022
    Thomas DESCHAMPS

    Concerts de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig sous la direction d’Andris Nelsons, avec le concours du pianiste Rudolf Buchbinder à la Philharmonie de Paris.
    Richard Strauss (1864-1949)
    Don Juan (1889)
    Burleske (1890)
    Rudolf Buchbinder (piano)
    Ainsi parlait Zarathoustra (1896)
    Macbeth (1892)
    Suite du Chevalier Ă  la rose (1946)
    Une vie de héros (1899)
    Gewandhausorchester Leipzig
    direction : Andris Nelsons

     


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