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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Concert de l’Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction d’Andris Nelsons au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
La patte du chef
Donnant au Théâtre des Champs-Élysées un programme superbement pensé, les Wiener Philharmoniker, avenue Montaigne, font montre d’une virtuosité des grands jours assortie d’une puissance ne rendant pas toujours compte des parfums plus subtils de Chostakovitch et surtout Dvořák. Il faut certainement y voir la patte d’Andris Nelsons.
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Hommage au réalisme poétique
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D’emblée ce programme du Philharmonique de Vienne rompt avec le ronron des concerts habituellement proposés par cette formation à Paris. Le choix d’une pièce de Sofia Goubaïdoulina pour l’ouvrir relève d’une audace mesurée mais judicieuse. Ce Conte de fée appartient à la manière encore « sage » de la compositrice. Sans être un épigone, elle procède dans cette pièce selon une narration servie par les différents plans sonores qui n’est pas sans rappeler l’art de celui dont elle fut l’assistante, Dimitri Chostakovitch.
Disposant d’un grand orchestre, elle en utilise les forces avec parcimonie, illustrant de manière franche le passage de l’obscurité à la lumière (le destin d’un morceau de craie sortant de la poche d’un enfant) grâce à la plastique des cordes des Wiener, somptueuses comme de coutume. Andris Nelsons polit la matière jusqu’à rendre les stridences trop lisses, mais l’ensemble trouve alors des couleurs reprenant celles de la Neuvième Symphonie de Chostakovitch qui suit.
La ressemblance avec la symphonie est même plus grande que prévue, car le chef applique le même soin aux lignes dans des tempos mesurés. L’œuvre perd dès le premier mouvement une grande part de la légèreté qui lui est généralement associée. Rythmique plus marquée, saillies enflées aux cuivres : l’humour devient un rictus. Le Moderato s’immobilise, laissant un paysage riche de couleurs où la clarinette perce comme une voix perdue dans un camp où nul ne peut aller et venir.
Le Presto n’est que virtuosité de la part de l’orchestre éblouissant, tandis que le portique de cuivres qui ouvre le Largo écrase toute embellie. Le basson de la Française Sophie Dervaux-Dartigalongue est particulièrement mis en valeur par une direction dosant chaque nuance. L’Allegretto final signe le retour d’une satire caricaturale, plus glaçante que grotesque, et bien plus lourde que légère. Ces traits stylistiques touchent encore davantage l’œuvre de Dvořák donnée après l’entracte.
Comme dans Conte de fée, le folklore a une place importante dans la Symphonie n° 6. Le traitement du matériau sonore réalisé par le chef ne lui donne pas vraiment vie. Accentuant jusqu’à l’énorme l’arrivée du thème du premier mouvement, Nelsons tue dans l’œuf les accents qui innervent cette musique de toute part. À la place, les plans s’étirent, parfois coupés de violents à -coups qui ignorent la rythmique de Bohême. Partout c’est une surenchère sonore difficilement croyable : est-il normal que le Final de cette symphonie fasse nettement plus de bruit que la Neuvième de Bruckner dans la même salle quelques jours plus tôt ?
Avant d’entamer le bis généreux donné au terme de ce festival de puissance rutilante, le premier violon de l’orchestre, Rainer Honeck, d’un net mouvement de tête vers le bas, fait déconnecter tout l’orchestre du chef. Sans le regarder un seul instant, les musiciens retrouvent leur dynamique idiomatique pour la valse Wo die Zitronen blüh’n, certes un peu relâchée mais indéniablement plus stylée.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 11/06/2022 Thomas DESCHAMPS |
| Concert de l’Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction d’Andris Nelsons au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Sofia Goubaïdoulina (*1931)
Märchen-Poem (1971)
Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
Symphonie n° 9 en mib majeur op. 45 (1945)
AntonĂn Dvořák (1841-1904)
Symphonie n° 6 en ré majeur op. 70 (1880)
Orchestre philharmonique de Vienne
direction : Andris Nelsons | |
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