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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production d’Einstein on the beach de Glass dans une mise en scène de Susanne Kennedy et Markus Selg et sous la direction d’André de Ridder au Theater Basel.
Einstein dans son jus
Antithèse de la célèbre imagerie abstraite de Robert Wilson, cette nouvelle production participative d’Einstein on the beach par le Theater Basel intrigue et captive à la fois avec son décorum bariolé surchargé de couleurs et d’images mouvantes. D’impeccables musiciens subliment la partition de Glass offrant des moments d’une magie absolue.
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Einstein on the beach est à Glass ce que Le Marteau sans maître est à Boulez, une œuvre de radicalité, aride sinon rebutante. Si la partition est quasiment indissociable de la production de la création en 1976 mise en scène par Bob Wilson, quelques propositions sont venues ces dernières années en renouveler l’approche.
Cette nouvelle production du Théâtre de Bâle fera sans aucun doute date par son parti pris totalement inverse. Suzanne Kennedy et Markus Selg, replacent l’œuvre dans son contexte des années 1970. La scénographie est gorgée de couleurs, de figures psychédéliques, d’éléments ésotériques, de chorégraphies évoquant ici une transe, là un cérémonial abscons, certains narrateurs se promènent dans la salle et s’adressent à des spectateurs, le public peut se promener sur le plateau tournant, l’espace est saturé d’images et de sons dans une sorte d’art total où le public participe à sa manière au spectacle.
Il en ressort une ambiance particulière, très inhabituelle, nullement intimidante puisque le public joue complètement le jeu, se lève, parcourt le plateau, s’y installe, s’y allonge, il y a ainsi un monde fou sur scène sans que cela ne perturbe l’écoute. Le partage et l’immersion que propose cette production sont envoûtants. C’est sans doute là la différence majeure d’avec la production wilsonienne qui mettait une distance entre la scène et la salle, la tolérance venant juste (comme prévu par Glass) de la liberté offerte au public d’aller et sortir de la salle.
Certes, on pourra trouver que la production bâloise est d’un kitsch absolu et que la surcharge visuelle anesthésie l’émotion, mais l’expérience offerte au public fascine et certains moments de grâce saisissent. Cela est aussi dû à la performance musicale de l’impeccable Ensemble Phoenix Basel, des Basler Madrigalisten (maîtrisant magnifiquement une écriture d’une difficulté extrême aux plages inlassablement répétitives dépassant parfois le quart d’heure), des solistes (dont la sensationnelle Alfheiour Erla Guomundsdottir dans l’aria vocalisée Bed au IV, inoubliable et de la violoniste Diamanda Dramm totalement hypnotique.
Tous sont dirigés par un André de Ridder possédé et très impressionnant de maîtrise de la partition. L’ensemble dégage par moments une expressivité folle, loin là encore de l’abstraction. Notons que l’œuvre ne dure ici « que » 3h30 (d’une traite) et que des plages de musique électronique sont insérées. Un regret tout de même : les voix parlées, si essentielles, sont un peu noyées dans la masse sonore, notamment le narrateur principal dont la voix est testostéronée artificiellement dans des fréquences graves déformant et brisant quelque peu ce que cette narration peut avoir de saisissant.
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