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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production d’Idoménée de Mozart dans une mise en scène de Satoshi Miyagi et sous la direction de Raphaël Pichon au festival d’Aix-en-Provence 2022.
Aix 2022 (3) : Morne plainte
En privant son Idoménée du souffle dramatique qui projette l’intrigue au-delà des conventions, Satoshi Miyagi se prend les pieds dans une lecture hiératique qui prive les chanteurs de toute possibilité de jeu. Pygmalion sauve les meubles avec un Raphaël Pichon très attentif et très raffiné, qui soutient une distribution de premier plan.
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Théâtre de l’Archevêché, Aix-en-Provence
Le 06/07/2022
David VERDIER
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Idomeneo n'est pas souvent monté, la faute à un livret assez faible qui multiplie les scènes de convention tandis qu'on entend dans la partition les multiples efforts que fait Mozart pour s'en dégager. Il faut à cet opéra mal aimé tous les ressorts d'une mise en scène capable d'en vivifier les lignes et les enjeux dramaturgiques comme chez David Bösch à l'Opéra des Flandres (2016) ou Damiano Micheletto au Theater an der Wien (2013).
On pourrait conclure les débats en pointant l'incongruité de jucher quatre grands chanteurs sur des podiums à roulettes manipulés à vue durant près de trois heures. L'effet visuel se double du malaise à voir les interprètes cramponnés à leur rambarde et sécurisés par des câbles, tentant de garder une assurance qui pourrait leur permettre de chanter sans trop faire entendre le stress qui les gagne. Satoshi Miyagi imagine ces personnages chantant droit devant eux et sans expression, comme réduits à l'état de figurines mobiles que les dieux manipulent sur scène.
L'idée ne manque pas d'originalité mais sa réitération change rapidement la soirée en un long tunnel d'ennui d'où émergent cependant les qualités propres d'un chant de belle tenue. Miyagi inscrit l'intrigue sur une trame historique liée à la Seconde Guerre mondiale et la capitulation du Japon, en mettant en parallèle l'abdication de Hiro-Hito et celle d'Idoménée à la demande de Neptune. Le résultat est aussi emmêlé et brouillon que les forêts de fils de coton qui tapissent les cloisons des différents volumes disposés sur scène, avec des effets graphiques qui puisent dans l'imaginaire et le folklore japonais pour montrer une Elettra en créature hybride avec des rameaux de branches et d'algues en guise de membres supérieurs.
Sabine Devieilhe campe une Ilia de toute beauté, projetant dans des aigus stratosphériques des flèches vocales qui mettent en valeur l'homogénéité du timbre et des couleurs. Elle forme avec l'Idamante d'Anna Bonitatibus les deux composantes essentielles de cette soirée : la mezzo jouant de rondeur et de chair dans un formidable et sensible Il padre adorato. Remplaçante de luxe, Nicole Chevalier livre une Électre furibonde et virevoltante. Impressionnante dans Tutte nel cor vi sento, la voix manque de stabilité dans les dernières scènes, l'obligeant à puiser scéniquement dans un jeu un peu excessif. Audiblement éprouvé par un placement peu commode, Michael Spyres égratigne son Fuor del mar avec d'étonnants détimbrages dans les agilités avec une ligne qui hésite entre aigu et médium.
Le chœur brille d'une beauté un peu froide, parfaite en sens mais privée par la scène d'une vivacité et d'une incarnation capable de l'inscrire réellement dans une chair tragique. Raphaël Pichon dirige un Orchestre Pygmalion d'un irréprochable raffinement, avec pour corollaire un caractère un rien extérieur comme un pur objet musical dont les couleurs et les textures se laissent admirer sans pénétrer au cœur du spectacle.
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