Dans ce concert où seule une œuvre de Pascal Dusapin vient s’intégrer au milieu d’un programme pour le reste intégralement dévolu à Olivier Messiaen, l’ordre des pièces est inversé pour ouvrir avec la dernière partie du Quatuor pour la fin du temps, une Louange à l’immortalité de Jésus dont le geste contemplatif ne convient ni à un placement en début de soirée, ni au violon surdéveloppé de Milan Pala. L’église de la Grave est pour l’occasion totalement remplie, puisqu’en plus du compositeur, du pianiste Bertrand Chamayou et du ténor Charles Sy s’y trouve la soprano Barbara Hannigan, pour la première fois en ce lieu.

Tout juste arrivé d’Aix-en-Provence où était créé son nouvel opéra, Il Viaggio, Dante, ouvrage inspiré comme celui présenté lors de ce concert de La Divine comédie, Pascal Dusapin décrit succinctement la pièce créée il y a un an, déjà à Aix par les artistes en présence, comme un galop d’essai avant de se plonger dans un opéra plus ample d’après le chef-d’œuvre de Dante, notamment pour l’écriture musicale sur la langue italienne. Tiré de l’arrivée de Dante et Béatrice dans le Primo Mobile, La Natura del Mondo, acquiert avec Hannigan une clarté de traitement déployée tant par la qualité des sauts de hauteurs que par la précision de sa diction.

Nettement moins moderne, car parmi les premières œuvres de Messiaen, La Mort du nombre donnée en conclusion met en avant Charles Sy, qui se démarque de l’interprétation grâce à son engagement permanent pour donner la réplique à la soprano : il y exprime la Crainte tandis qu’elle incarne l’Espérance. Le violon de Milan Pala se montre mieux adapté à l’ouvrage, pour lequel Bertrand Chamayou s’accorde par un jeu toujours empli d’harmonies, qu’il peut exalter plus que lors des autres œuvres du programme, plus sobres.

Morceau principal du concert, les Poèmes pour Mi sont chantés pour la première fois par Barbara Hannigan, qui les enregistrera avec le pianiste à la rentrée, dans leur version initiale pour soprano et piano. Portée par l’acoustique chaude de la petite église et par le fait de n’être accompagnée que du piano, la chanteuse peut éviter de crier et de détimbrer comme on l’a trop souvent entendu avec d’autres dans l’œuvre, pour ne garder que sa finesse de propos, libérée par une prononciation là encore exemplaire.

Bertrand Chamayou rend magnifique sa partie dès les premiers accords, moirés de couleurs froides toujours expressives. L’absence de micros n’ayant pas permis de capter cet instant, il reste à espérer que l’enregistrement studio sera du même niveau que cette superbe soirée.