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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital du pianiste Igor Levit au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Errements stylistiques
Le pianiste germano-russe Igor Levit poursuit son voyage abstrait dans un nouveau récital où sa radicalité sans concession se porte à présent sur Schumann, Wagner et Liszt. Il en est d’autant plus surprenant de l’entendre jouer avec un sentimentalisme très convenu la musique disparate et peu inspirée du jazzman Fred Hersch.
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Lors de son précédent récital au Théâtre des Champs-Élysées, Igor Levit nous avait laissé sur les longues résonnances des deux derniers numéros des Scènes d’enfants de Schumann. Le fil semble donc repris avec la programmation des Scènes de la forêt en ouverture de récital. L’attaque de la première pièce du recueil sonne d’une simplicité presque désarmante. Le pianiste ne pose aucun décor, ramenant le texte à une nudité exempte de tout romantisme.
Le Chasseur aux aguets retentit sans grand contraste, dans une abstraction refusant le côté descriptif de cette musique. Il en sera ainsi tout au long de l’œuvre et si L’Oiseau prophète annonce plus que jamais la musique du futur, l’interprétation de Levit déconcerte par son style à la pointe sèche. Cette impression se trouve d’autant renforcée par la pièce qui suit.
Les Variations sur un Folksong composées à destination du pianiste par le jazzman américain Fred Hersch suscitent chez leur dédicataire un jeu en revanche très sucré. Dès l’énonciation de la mélodie, l’emblématique Shenandoah, phrasés et harmonie nous transportent dans l’ambiance d’un bar à cocktail de grand hôtel. Il ne s’agit ni de jazz ni de musique classique mais d’une catégorie de musique qu’on imaginait difficilement sous les doigts de Levit : l’easy listening. Le programme retrouve une cohérence heureuse dans la seconde partie du récital.
La subtilité de l’arrangement du prélude de Tristan et Isolde réalisé au début des années 1980 par Zoltán Kocsis disparaît quelque peu sous le jeu cette fois très dramatique du pianiste. Utilisant toute la palette dynamique possible, Levit procède par moment presque par clusters et fait de ce morceau nocturne un geste violent en noir et blanc. Il se plaît aussi à souligner presque avec maniérisme la connexion entre le dernier accord du prélude en l’enchaînant au premier de la Sonate en si mineur de Liszt.
Sur sa lancée, l’artiste ne joue pas du romantisme de l’œuvre mais poursuit son étude des rapports dynamiques de celle-ci qui en contient beaucoup. L’attention qu’il porte aux structures ne manque pas d’intérêt et la précision virtuose de sa démonstration impressionne. Les oppositions exacerbées entre un jeu vertical et des arpèges pour le moins coulants déconcertent à nouveau mais la sonate apparaît indéniablement sous un jour inédit.
L’apaisement revient en bis comme la fois précédente avec Le Poète parle de Schumann.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 06/10/2022 Thomas DESCHAMPS |
| Récital du pianiste Igor Levit au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Robert Schumann (1810-1856)
Waldszenen (1849)
Fred Hersch (*1955)
Variations sur un Folksong (2022)
Richard Wagner (1813-1883)
Prélude de Tristan et Isolde (1859)
Arrangement de Zoltán Kocsis
Franz Liszt (1811-1886)
Sonate pour piano en si mineur (1853)
Igor Levit, piano | |
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