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CRITIQUES DE CONCERTS |
23 novembre 2024 |
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Récital du pianiste Benjamin Grosvenor dans le cadre de Jeanine Roze Production au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Arpèges magiques
L’hommage aux formes musicales anciennes qu’a présenté Benjamin Grosvenor pour sa visite annuelle dans la série des concerts du dimanche matin de Jeanine Roze a été l’occasion d’un festival de nuances dynamiques et de couleurs. Un art confondant d’élégance et de poésie qu’on aimerait entendre dans un répertoire élargi.
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Lights, camera, action !
Vigueur et courants d’air
En passant par la mort
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Utilisant le quatrième mouvement des Bunte Blätter de son mari, les Variations écrites par Clara Wieck-Schumann allient réelles difficultés techniques et subtilités harmoniques. Benjamin Grosvenor se joue des premières, notamment dans la deuxième variation, pour se concentrer sur le rendu des secondes tournant autour de la tonalité de fa# mineur, une tonalité grave sinon lugubre. Par la caresse de ses arpèges, Le Britannique apporte douceur et de clarté à cette pièce qui touche au cœur de la relation de couple des Schumann. La suite du programme présente des œuvres déjà jouées à Paris par le pianiste.
Depuis le récital donné à la salle Gaveau en 2015, la Chaconne de Bach dans la transcription de Busoni a gagné, si cela est possible avec ce pianiste, en assurance tranquille. Veillant à une extrême lisibilité même dans les passages où Busoni fait basculer l’œuvre originale dans une autre dimension, Grosvenor déchaîne en un éclair les dynamiques les plus impressionnantes pour retourner en l’espace d’un soupir au murmure le plus intime. Ce jeu grisant ne verse pourtant jamais dans la démonstration.
Dans le Prélude, choral et fugue de Franck qui suit, le pianiste refuse le ton de prière un peu cafardeuse qu’y mettent tant d’interprètes. Jouant pleinement de l’aspect cyclique de cette musique, Grosvenor développe le vertige avec une pâte sonore aux couleurs chaleureuses toujours changeantes. Là encore, les arpèges du dernier mouvement, qui balayent tout le clavier, apportent une lumière fantasmagorique. L’hommage au baroque se poursuit avec les danses du Tombeau de Couperin de Ravel.
Le toucher se fait encore plus ailé dès le Prélude qui a rarement dansé autant. La transparence inhérente au jeu de cet artiste ne s’accompagne ni de décoloration ou de sécheresse, bien au contraire. L’utilisation de la pédale est souveraine. Elle permet des nuances à l’infini et une irisation qui enchantent les pièces suivantes. La gravité s’invite avec un Menuet d’une introspection rayonnante avant la Toccata où la séduction se pare de menaces sourdes.
Les bis prolongent notre état de sidération avec la Danza del gaucho matrero de Ginastera à laquelle est prêtée toute la rage d’un Prokofiev. En contraste total, la musique proche du silence de l’Abendlied de Schumann, avant un retour à la pure magie sonore des Jeux d’eau de Ravel.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 16/10/2022 Thomas DESCHAMPS |
| Récital du pianiste Benjamin Grosvenor dans le cadre de Jeanine Roze Production au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Clara Wieck-Schumann (1819-1896)
Variations sur un thème de Robert Schumann (1853)
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Chaconne en ré mineur
Transcription de Busoni (1877)
CĂ©sar Franck (1822-1890)
Prélude, choral et fugue (1884)
Maurice Ravel (1875-1937)
Le Tombeau de Couperin (1917)
Benjamin Grosvenor, piano | |
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