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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Kátia Kabanová de Janáček dans une mise en scène de Tatjana Gürbaca et sous la direction de Tomáš Netopil au Grand Théâtre de Genève.
La Prisonnière
Un an après une belle Jenůfa, Tatjana Gürbaca revient à Janáček et au Grand-Théâtre de Genève avec Katiá Kabanová. Sa mise en scène démontre, avec une rigoureuse économie de moyens, une galerie d'effets remarquables et puissants qui donnent au drame intime une dimension universelle, soutenu par un plateau et une fosse remarquables.
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La scénographie inscrit l'action dans un décor de bois brut délimité par un vaste cadre de scène qui se prolonge par un curieux effet de perspective. Sur la première partie en pente raide se joue l'essentiel de la pièce. Deux entrées s'ouvrent sur les côtés, où se trouvent les scènes intimes placées en hors-champ muet. Cette épure rehausse paradoxalement la profondeur du drame de Kátia Kabanová, qu'on aime comparer à celui de Madame Bovary. Mais l'adultère et la naïveté romantique du personnage de Flaubert croise ici la dimension existentialiste de L'Étranger d'Albert Camus – autre référence citée par Tatjana Gürbaca.
Hormis les costumes, l'étroitesse et la mesquinerie de la société villageoise ne sont pas rendues ici avec un réalisme oppressif. Il faut accepter ce symbolisme qui fait du fleuve où elle ira se suicider un élément supplémentaire projeté sur ce décor mental. Les personnages sont éclairés par une lumière crue qui les découpe comme les pièces d'un échiquier dont la mise en scène s'attache toujours à privilégier la géométrie des caractères, à travers la disposition et les gestes.
Durant l'ultime monologue de Kátia, les personnages répètent en boucle des gestes d'automates, interrompus par un miroir qui se brise et préfigure le suicide. La chair et la sensualité ne sont pas ici au centre des enjeux, avec une dramaturgie qui leur préfère la rigueur du dispositif psychologique qui conduira Kátia à mettre fin à ses jours.
Corinne Winters donne au personnage une authenticité qui expose une fragilité native, prête à éclater, et dont la relation adultère est moins le résultat d'un coup de foudre que d'une issue inéluctable qui finit par la broyer corps et âme. Vocalement, l’Américaine domine son rôle de la tête et des épaules, avec une sincérité d'accent et de ligne qui s'appuie sur un timbre et une projection au lyrisme brûlant.
Son duo d'amour avec le Boris d'Aleš Briscein marque un des sommets de la soirée. Le timbre solaire du ténor joint naturellement son ampleur et sa brillance à celui de Kátia, avec une liberté remarquable dans la façon de rendre palpable la respiration commune du couple. Sam Furness est un Kudrjaš moqueur et très fin dans ses aigus tandis qu’Ena Pongrac signe une Varvara de tout premier plan. Elena Zhidkova offre à Kabanicha les contours âpres de son mezzo, en symétrie avec la rugosité du Dikoï de Tómas Tómasson. Magnus Vigilius campe un Tikhon contrasté et tourmenté.
L'Orchestre de la Suisse Romande trouve en Tomáš Netopil une direction musicale capable de sublimer la suavité du discours qui donne à entendre chez Janáček le merveilleux coloriste et la désespérance des destins. La souplesse de la ligne libère une palette expressive de premier ordre, avec une petite harmonie narquoise et des cuivres puissants et volumineux. Heureux public genevois !
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Grand Théâtre, Genève Le 21/10/2022 David VERDIER |
| Nouvelle production de Kátia Kabanová de Janáček dans une mise en scène de Tatjana Gürbaca et sous la direction de Tomáš Netopil au Grand Théâtre de Genève. | Leoš Janáček (1854-1928)
Kátia Kabanová, opéra en trois actes (1921)
Livret de Vincenc Červinka d’après L’Orage d’Alexandre Ostrovski
Coproduction avec le Deutsche Oper am Rhein Düsseldorf Duisburg
Chœur du Grand Théâtre de Genève
Orchestre de la Suisse Romande
direction musicale : Tomáš Netopil
mise en scène : Tatjana Gürbaca
scénographie : Henrik Ahr
costumes : Barbara Drosihn
éclairages : Stefan Bolliger
préparation des chœurs : Alan Woodbridge
Avec :
Corinne Winters (Kátia Kabanová), Aleš Briscein (Boris Grigorjevič), Elena Zhidkova (Kabanika), Magnus Vigilius (Tikhon Kabanov), Tómas Tómasson (Dikój), Sam Furness (Váňa Kudrjaš), Ena Pongrac (Varvara), Vladimir Kazako (Kuligin), Natalia Ruda (Feklouša), Mi-Young Kim (Glaša). | |
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