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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création mondiale de L’Annonce faite à Marie de Philippe Leroux dans une mise en scène de Célie Pauthe et sous la direction de Guillaume Bourgogne à l’Opéra de Rennes.
Pureté volée
Premier opéra de Philippe Leroux, L’Annonce faite à Marie utilise le verbe de Claudel pour l’appliquer à la voix, avec un style d’écriture différent pour chacun des six protagonistes du drame, toujours en association avec les instruments de l’Ensemble Cairn en fosse, dans une mise en scène sobrement épurée de Célie Pauthe.
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Paul Claudel inspire visiblement les compositeurs contemporains, et après Le Soulier de satin de Marc-André Dalbavie à l’Opéra de Paris, c’est au tour de Philippe Leroux d’utiliser un ouvrage du dramaturge, à nouveau sur un livret impeccable de Raphaèle Fleury. Située au Moyen Âge, L’Annonce faite à Marie aborde l’histoire de deux sœurs, l’une représentant la pureté, souillée par la lèpre récupérée d’un baiser donné dans un moment de faiblesse ; l’autre la jalousie, prête à dénoncer pour arriver à ses fins et voler le fiancé.
Sur des fondements catholiques, le texte, retouché par Claudel pendant plus d’un demi-siècle, pour être créé seulement à la fin de la Seconde Guerre mondiale, traite l’antinomie entre bien et mal avec recours aux miracles, notamment lorsque la sœur répudiée ranime par ses prières l’enfant de la deuxième et de son ancien amant.
Pour augmenter ce drame, Philippe Leroux développe une partition pour neuf musiciens, créée à Nantes et Angers avant d’arriver à Rennes, avec toujours en fosse l’Ensemble Cairn. En soutien des voix, par des parties souvent en relation directe pour s’accorder au verbe de Claudel, le matériau s’ordonne aussi en un tapis bruitiste, généré par des instruments régulièrement solos comme le violon, le violoncelle ou la flûte, ou encore par une guitare, des percussions ou un piano.
Agencées avec maîtrise par Guillaume Bourgogne, la musique comme les voix profitent également d’une amplification et d’un traitement électronique Ircam, qui a recréé la voix de Claudel, intégrée par fragments à plusieurs reprises de l’ouvrage, notamment dans son introduction. La mise en scène de Célie Pauthe offre à la pièce une pureté et une sobriété retrouvées, dans des décors et des éclairages d’une pâle clarté, avec en référence l’œuvre photographique de Sally Mann, dont on retrouve le lien fort à la nature par les images projetées sur le grand mur en fond de scène.
Vocalement, les six chanteurs s’accordent parfaitement à leur rôle et au style qui leur est dévolu, celui de Violaine Vercors porté par Raphaële Kennedy avec d’innombrables glissandi, comme si l’écriture était celle d’un instrument, alternée avec des parties plus pures lorsque Dieu semble entrer en elle. Sa sœur Mara trouve avec Sophie Burgos la justesse d’une voix fréquemment emmenée vers le mal, d’une ligne désagréable et d’un timbre aigre, faits pour rappeler les sorcières maléfiques des contes de fées.
Avec des références évidentes à Pelléas, L’Annonce faite à Marie offre aussi une belle place aux parents, la vieille Elisabeth Vercors finement abordée par Els Janssens Vanmunster, le père Anne Vercors par la voix chaude du baryton Marc Scoffoni, excellent dans sa retraite avec sa chanson médiévale. Vincent Bouchot initie le drame dans la douceur avec son baiser malade du paysan Pierre de Craon, donné à Violaine et observé par Mara, conspiratrice au point de le rapporter à celui qu’elle aime en secret, Jacques Hury.
Offert, comme le premier rôle masculin de l’opéra debussyste, à un baryton, le fiancé ensuite mal marié bénéficie lors de cette création de la voix claire et lyrique de Charles Rice, qui s’accorde comme tout le reste à porter un nouvel ouvrage important pour l’avenir.
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