Difficile d’être et d’avoir été, et si Maxim Vengerov avait arrêté le violon en 2009 pour se consacrer à la direction, le fait de n’avoir pu s’empêcher d’y revenir dès 2011, au risque de créer une grave lésion à l’épaule l’année suivante, limite à présent un violoniste parmi les plus géniaux il y a quinze ans.

Malgré le choix d’un ouvrage sans grande difficulté, il faut se résigner à retrouver un artiste plus généreux par l’esprit que par le geste, qui ralentit dès son entrée un Orchestre National de France pourtant bien emporté dans l’introduction du Concerto pour violon n° 5 de Mozart, tant par son directeur musical que par sa première violon Sarah Nemtanu. À cette baisse de rythme s’ajoutent quelques problèmes d’intonation, le Stradivarius Kreutzer (1727) très marqué dans l’aigu détimbrant trop souvent sur la chanterelle, par rapport à un médium mieux exploité en bis grâce à une fluide Havanaise de Saint-Saëns.

Autour, Cristian Măcelaru a souhaité mettre en regard deux ouvrages hongrois de compositeurs nés à un an d’intervalle. Les Danses de Galánta de Zoltán Kodály ouvrent donc le programme, sous une vision musicale plus en recherche d’un fin traitement des thèmes populaires et des contrastes, que de la fougue que tentait d’y promulguer Zoltán Kocsis, ou de la chair boisée développée par Iván Fischer. En ressort un orchestre souple porté par ses cordes, duquel se démarquent l’intervention soliste du cor ainsi que la remarquable clarinette de Carlos Ferreira.

En deuxième partie de soirée, l’ensemble revient au complet pour l’une des ultimes œuvres de Bartók, commandée et créée par Serge Koussevitzky à Boston. Initiée par le sombre thème également entendu dans Le Château de Barbe-bleue, le Concerto pour orchestre permet un dialogue entre les groupes d’instruments d’une grande formation symphonique, auxquelles il offre à tous une place importante, jusque dans de splendides parties de trombone ou d’alto.

En cinq mouvements dans l’idée d’un concerto baroque, l’ouvrage lorgne vers les recherches du Stravinski de la fin tout en paraphrasant l’ironie et le caractère parfois ténébreux de Chostakovitch, en plus de tendre également vers les rythmes et ruptures de Gershwin ou Ravel. Il trouve à la Philharmonie de Paris un orchestre surtout utilisé dans sa transparence, pour là encore permettre de superbes contrastes, autant que de belles ruptures rythmiques et mises en exergue des thèmes populaires hongrois.

De cette manière, Măcelaru réussit un lien subtil entre cette pièce d’exil et les danses en début de concert, faisant presque oublier l’ouvrage concertant au milieu, généreusement prolongé par un bis français de Maxim Vengerov.