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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Maria Stuarda de Donizetti dans une mise en scène de Mariame Clément et sous la direction d'Andrea Sanguineti au Grand Théâtre de Genève.
La guerre des deux reines
Une soirée belcantiste au Grand Théâtre de Genève avec cette Maria Stuarda de Gaetano Donizetti, second volet de la trilogie élisabéthaine du compositeur italien sagement mise en scène par Mariame Clément. Dominée par l’Elisabetta d’Elsa Dreisig, la soirée souffre de la direction en demi-teinte d'Andrea Sanguineti.
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Cette Maria Stuarda genevoise reprend la tradition désormais établie de confier le rôle-titre à une mezzo et celui d'Elisabetta à une soprano. Deuxième volet du triptyque que consacra Donizetti à la figure tutélaire d'Elisabeth d'Angleterre, cet opéra est également le second que confie le Grand Théâtre au duo d'Oustrac-Dreisig. La mise en scène de Mariame Clément reprend les codes déjà présents l'an dernier dans le décor de Julia Hansen pour Anna Bolena, la mère d'Elisabetta qui finit décapitée.
Cette scène muette est jouée durant l'ouverture, avec deux figurantes en Elisabeth enfant et âgée, double témoin de cette exécution. Cette image renvoie au passé d'Elisabetta mais également au destin prémonitoire de Maria. Le château de Fotheringhay où est enfermée Maria est montré dans un emboîtement de pièces dont les éclairages soulignent un jeu de perspectives et de caractères psychologiques.
La lutte de ces deux femmes fortes laisse de côté les rôles masculins, à commencer par Roberto Leicester écartelé entre les deux reines et les rôles secondaires de Talbot et Lord Cecil, l'un employé comme négociateur, l'autre exigeant la condamnation de Maria. Le costume d'Elisabetta convertit le mythe de la reine vierge en personnage androgyne qui n'hésite pas à mettre à mort sa cousine par pure jalousie.
Le statut de la victime immolée est souligné par le symbole du cerf, trophée de la chasse qui sert de prétexte à la lutte à mort des deux reines. Si la lecture scénographique ne souffre pas de difficulté particulière, l'interprétation sera plus contrastée ; à commencer par un rôle-titre dont la tessiture ne rend pas totalement justice aux qualités de Stéphanie d'Oustrac.
La mezzo française est régulièrement mise en difficulté par des agilités qui la sollicitent en dehors de l'ambitus naturel dans lequel se déploie sa voix. La grande ligne de la prière du III est particulièrement périlleuse, la contraignant à des respirations peu commodes qui font vaciller l'architecture.
Elsa Dreisig campe une Elisabetta vengeresse qui remporte le duel en faisant de ses aigus des armes vocales et l'expression d'une domination cruelle. Elle partage avec Edgardo Rocha (Roberto) des qualités de phrasé remarquables mais avec une présence qui manque au ténor italien, dont la projection en demi-teinte restreint Ah, rimiro il bel sembiante à une expressivité aux couleurs assez pâles.
Nicola Ulivieri exprime en Talbot un phrasé et un timbre remarquables, tandis que Simone del Savio donne à Lord Cecil le relief et la vigueur d'un personnage ambigu, que la mise en scène rapproche d'Henri VIII, le père d'Elisabetta. Soulignons pour finir la belle autorité d'Ena Pongrac en Anna Kennedy dont la présence et le jeu laissent augurer le meilleur dans les années à venir.
Andrea Sanguineti laisse une impression mitigée à la tête de l'Orchestre de Suisse Romande. Sa direction anodine et très littérale ne permet pas de faire décoller le drame vers les sommets pyrotechniques et l'urgence qu'il réclame, y compris dans les interventions du chœur. Entre imprécisions et mollesse, on navigue à vue avec un sentiment global de banalité et l'impression d'une austérité générale qui ne sied pas à Donizetti.
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