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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Salomé de Strauss dans une mise en scène de Herbert Fritsch et sous la direction de Clemens Heil au Théâtre de Bâle.
L'inexorable mécanique du fanatisme
Tout en conservant à Salomé sa part de conte fantastique, Herbert Fritsch parvient à montrer comment la fascination des jeunes pour l’ordre, la religion ou la violence peut conduire au fanatisme. Au sein d’une distribution solide et sous la direction précise de Clemens Heil, la force de la Salomé de la jeune Heather Engebretson tient de la révélation.
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À la question éternelle de savoir s’il faut actualiser la représentation des livrets d’opéra, le metteur en scène Herbert Fritsch répond d’un non catégorique. Avec une histoire aussi forte que celle de la princesse de Judée, pas besoin d’y appliquer un discours sur les horreurs engendrées par le capitalisme ou l’androcentrisme, ou encore sur la fin présumée de l’anthropocène. En revanche, montrer comment les gens peuvent se laisser littéralement submerger par leurs sentiments, voilà le ressort dramatique de la pièce de Wilde telle que mise en musique par Strauss.
Dans un espace scénique lisse et sans époque définie, où rien ni personne ne peut être caché, Fritsch expose les ravages du fanatisme avec une cruauté follement drôle. Tout en ne cachant rien du contexte religieux et sexuel, tout est resserré autour de cette famille en roue libre. Au centre, Salomé, clairement une jeune adolescente qui a la cambrure perverse des filles des tableaux du peintre Balthus et les mouvements effrontés et imprévisibles d’une héroïne issue d’un anime japonais.
Pas plus que le page ou Narraboth, personne ne peut la détourner de son obsession pour les lèvres de Iokanaan. Surtout pas un père parti dans son propre délire de folasse sensuelle ou sa mère qui essaie vainement de ne rien voir de ce qui arrive inexorablement. La décapitation pousse cela au paroxysme : point besoin de joli bourreau, Salomé le devient elle-même en arrachant de toutes ses forces la tête du prophète dépassant du sol. Et au terme de la scène finale, la stupeur des soldats est telle qu’ils semblent hésiter à intervenir.
La jeune Américaine Heather Engebretson fait ici une prise de rôle déterminante. Avec son émission très naturelle, jamais forcée, un timbre rond, elle incarne une Salomé juvénile et complètement extravertie. Son compatriote Jason Cox sonne plus générique mais tout à fait efficace en Iokanaan. Jasmin Etezadzadeh chante une Hérodiade haute en couleurs tandis que Peter Tantsits se démène scéniquement sans trouver la même variété dans son chant un peu monotone. Parmi les petits rôles, c’est de nouveau le jeune Ronan Caillet du programme OperAvenir qui imprime sa marque avec un Narraboth au phrasé élégant et personnel.
Dans la fosse, la direction de Clemens Heil trouve à la fois la sensualité indispensable à ces pages, l’équilibre dans la balance entre les pupitres et la violence collective nécessaire à cette fuite en avant.
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Theater, Basel Le 13/12/2022 Thomas DESCHAMPS |
| Nouvelle production de Salomé de Strauss dans une mise en scène de Herbert Fritsch et sous la direction de Clemens Heil au Théâtre de Bâle. | Richard Strauss (1864-1949)
Salomé, opéra en un acte (1905)
Livret du compositeur d’après Oscar Wilde dans une traduction allemande de Hedwig Lachmann
Version réduite par le compositeur
Orchestre symphonique de Bâle
direction : Clemens Heil
mise en scène et décors : Herbert Fritsch
costumes : Victoria Bher
Ă©clairages : Roland Edrich et David Hedinger
Avec :
Heather Engebretson (Salomé), Peter Tantsits (Hérode), Jasmin Etezadzadeh (Hérodiade), Jason Cox (Iokanaan), Ronan Caillet (Narraboth), Nataliia Kukhar (Page), Riccardo Botta (Premier juif), Boguslaw Bidzinski (Deuxième juif), Karl-Heinz Brandt (Troisième juif / un esclave), André Schann (Quatrième juif), Vladimir Vassiliev (Cinquième juif / un Cappadocien), Thomas Trolldenier (Premier Nazaréen), Vivian Zatta (Second Nazaréen), Kyu Choi (Premier soldat), et Jasin Rammal-Rykata (Second soldat). | |
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