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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production d'Iphigénie en Tauride de Gluck dans une mise en scène de Silvia Paoli et sous la direction d'Alphonse Cemin à l’Opéra national de Lorraine.
Bienheureuse Iphigénie
Cette Iphigénie en Tauride à l’Opéra national de Lorraine bénéficie d'une mise en scène où Silvia Paoli joue la carte d'une esthétique épurée et moderne, soulignée par la direction très franche en couleurs d'Alphonse Cemin qui porte un plateau dominé par le couple Julie Boulianne-Julien van Mellaerts en Iphigénie et Oreste.
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Iphigénie est, de tous les personnages de la mythologie, celui qui représente le mieux ce concept de bouc émissaire, ce fameux pharmakos dont la disparition permet de purifier ou de solutionner une situation de crise. Son sacrifice sur les rivages d'Aulide aurait dû permettre au vent de se lever pour porter la flotte grecque vers Troie. Une intervention de Diane permet au dernier moment de lui substituer une biche, en contrepartie de quoi elle est emportée en Tauride pour y servir en tant que prêtresse du temple consacré à la déesse de la chasse.
Les décors de Lisetta Buccellato montrent un lieu qui pourrait faire le lien entre l'antique Tauride et sa désignation actuelle de péninsule de Crimée. Le chœur des prêtresses est montré dans une austérité que la metteuse en scène a voulu mettre en parallèle avec l'idée d'une société recluse et sectaire. Un Thoas peroxydé aux allures de gourou règne sur cette société de femmes soumises, avec des scythes sanguinaires dont les profils de nervis tranchent avec la candeur du couple Oreste-Pylade fraîchement débarqué dans ces lieux.
Les allusions au passé d'Iphigénie surgissent sous la forme d'apparitions jouées en arrière-plan par des figurants. On revit le trauma de la petite fille offerte en sacrifice par son père Agamemnon et la séparation avec Oreste, futur assassin de sa mère Clytemnestre. Devenue jeune fille, Iphigénie tapisse les murs de sa chambre de coupures de presse, comme pour garder un lien avec sa vie passée.
Diane surgit hors-champ, la voix tombant des cintres tandis que l'enfant apparaît portant le masque de la biche, animal emblématique et objet du sacrifice. Le personnage d'Oreste est partagé entre la révélation du lien fraternel et l'amitié quasi amoureuse envers Pylade – alors même que ce dernier n'est pas traité à la même hauteur. Entre épure et efficacité, l'esthétique de Sivia Paoli réussit plutôt bien à camper un sujet rebattu qui regorge d'écueils.
Le plateau est à la hauteur des espérances, à commencer par le rôle-titre qu'interprète avec énergie et conviction la mezzo Julie Boulianne. L'engagement et la projection cède du terrain à la précision du phrasé (Ô toi qui prolongeas mes jours) mais le personnage est remarquable de cohérence.
Julien van Mellaerts est un Oreste intense et sanguin, capable d'introspection quand le drame l'exige (Le calme rentre dans mon cœur). Il forme avec le Pylade de Petr Nekoranec un duo remarquable d'impact et de vérité. Le ténor tchèque trouve dans Divinités des grandes âmes l'occasion de déployer une belle palette expressive et technique. Pierre Doyen empoigne Thoas sans les nuances qui auraient pu permettre de créer des arrière-plans plus intéressants, tandis qu'Halidou Nombre se sort avec les honneurs dans le rôle très court du Ministre scythe.
La direction franche et énergique d'Alphonse Cemin signe une sensibilité de tout premier plan, capable de donner à un orchestre sur instruments modernes une carrure et une densité à même de servir le drame de Gluck. Les couleurs naturelles de l’Orchestre de l’Opéra national de Lorraine sont parfaitement mises en valeur et dessinent un remarquable écrin expressif à cette partition.
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