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CRITIQUES DE CONCERTS 31 octobre 2024

Nouvelle production d’Henry VIII de Saint-Saëns dans une mise en scène d’Olivier Py et sous la direction d’Alain Altinoglu au Théâtre de la Monnaie, Bruxelles.

Un drame flamboyant
© Matthias Baus

Au sommet de son art, Olivier Py fait un retour réussi à la Monnaie de Bruxelles, en démontrant une fois encore toutes ses affinités avec le Grand opéra à la française : plus cruel que jamais, son Henry VIII multiplie les audaces volontairement anachroniques avec une imagination sans limite, au service d’un drame flamboyant.
 

Théâtre royal de la Monnaie, Bruxelles
Le 21/05/2023
Florent COUDEYRAT
 



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  • PrĂ©vu pour honorer le 200e anniversaire de la mort de Saint-SaĂ«ns voilĂ  deux ans, repoussĂ© par la pandĂ©mie, le sixième spectacle d’Olivier Py Ă  la Monnaie est enfin prĂ©sentĂ© sur scène : disons-le tout net, on tient lĂ  un choc. Le choix de la version intĂ©grale d’Henry VIII se rĂ©vèle dĂ©cisif, tant il renforce le rĂ´le dramatique du lĂ©gat du Pape, mettant en avant l’importance historique du schisme anglais contre Rome. Les allers-retours entre les temps cruels d’Henry VIII et ceux plus policĂ©s de la fin du XIXe siècle multiplient les perspectives pour enrichir l’histoire : de quoi mettre en miroir la difficultĂ© de divorcer, Ă  plusieurs siècles d’écart, et plus largement de s’affranchir de la morale chrĂ©tienne.

    Le spectacle ressert peu à peu son étau, en même temps que la prise de conscience de la toute puissance d’Henry VIII sur son entourage : l’éclatant ballet à la fin du II, transféré sur l’esplanade de la Monnaie pendant l’entracte, donne à voir les joutes amoureuses et la victoire violente du Roi contre le Pape. On retrouve ces mêmes scènes d’humiliation pendant l’annulation du mariage au III, où les visions hallucinées de l’épouse répudiée constituent des images fortes.

    Les interventions des danseurs prennent davantage d’ampleur dès que le drame se tend, dépassant les tableaux vivants pour roder de plus en plus autour des protagonistes, à l’instar du double négatif du Roi, sorte de bourreau des basses œuvres. Comme à son habitude, Pierre-André Weitz plonge les interprètes dans les noirs saisissants de sa scénographie splendide, déplaçant les modules de décors à vue en un ballet hypnotique et intriguant, autour de références à Palladio et au Tintoret.

    Le plateau réuni se montre d’une belle tenue, sans parvenir au même niveau d’intensité. Ainsi du pénétrant Henry VIII de Lionel Lhote, qui parvient à faire oublier un vibrato trop prononcé par une composition d’une grande vérité dramatique, entre leçon de style et attention aux nuances. On aime la prestation hallucinée de Marie-Adeline Henry en Catherine d’Aragon, qui fait oublier quelques duretés dans les passages de registre (notamment dans le suraigu) par ses qualités interprétatives, parfaitement projetées.

    Plus en retrait du fait d’un timbre terne et peu audible dans les ensembles, Nora Gubisch assure l’essentiel par ses phrasés naturels et sa justesse de ton, tandis qu’Ed Lyon compose un pâle Don Gomez, faute d’une émission plus stable. On lui préfère Vincent Le Texier et ses phrasés d’une noblesse d’âme éloquente, malgré un timbre qui manque de couleurs.

    Le drame est porté par le souffle ardent d’Alain Altinoglu, qu’on a rarement entendu aussi libéré dans ses phrasés, portant l’inspiration classique de Saint-Saëns (mâtinée de l’influence du Wagner des Maitres Chanteurs dans les parties strictement orchestrales) de son esprit et de sa grâce subtiles. Entre allègement des textures et engagement des instrumentistes, la pâte de l’orchestre n’est pas pour rien dans le triomphe recueilli au moment des saluts.




    Théâtre royal de la Monnaie, Bruxelles
    Le 21/05/2023
    Florent COUDEYRAT

    Nouvelle production d’Henry VIII de Saint-Saëns dans une mise en scène d’Olivier Py et sous la direction d’Alain Altinoglu au Théâtre de la Monnaie, Bruxelles.
    Camille Saint-Saëns (1835-1921)
    Henry VIII, opéra en quatre actes (1883)
    Livret de Pierre Léonce Détroyat et Armand Silvestre, d’après les œuvres de Shakespeare et Calderon

    Chœurs et Orchestre symphonique de la Monnaie
    direction : Alain Altinoglu
    mise en scène : Olivier Py
    décors & costumes : Pierre-André Weitz
    Ă©clairages : Bertrand Killy
    chorégraphie : Ivo Bauchiero
    préparation des chœurs : Stefano Visconti

    Avec :
    Lionel Lhote (Henry VIII), Marie-Adeline Henry (Catherine d’Aragon), Nora Gubisch (Anne Boleyn), Ed Lyon (Don Gomez de Feria), Werner van Mechelen (Duc de Norfolk), Vincent Le Texier (Cardinal Campeggio), Enguerrand de Hys (Comte de Surrey), Jérôme Varnier (Cranmer, Archevêque de Canterbury), Claire Antoine (Lady Clarence).

     


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