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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Lucia di Lammermoor de Donizetti à l'Opéra Bastille
La Lucia infuse
de June Anderson
Créée en 1995 dans ce même Opéra Bastille, cette Lucia di Lammermoor de Donizetti mise en scène par Andreï Serban avait provoqué l'une des plus bruyantes controverses de mémoire de mélomane. À l'époque, notre collaborateur Michel Parouty avait mobilisé sa plume pour en défendre la violence théâtrale. Il persiste.
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C'est avec une certaine curiosité que j'attendais cette reprise : comment avait vieilli cette production si scandaleuse en son temps ? Il est vrai qu'Andrei Serban avait frappé très fort, en ne noyant pas l'action de la Lucia donizettienne dans les brumes écossaises sous prétexte de rester fidèle à Walter Scott. Salle de garde d'une caserne, salle d'armes d'un château encombrée d'accessoires de gymnastique, lieu éminemment masculin, auquel on n'accède que par un jeu d'escaliers et d'échelles, le décor de William Dudley est sans ambiguïté aucune : toute femme qui y pénètre est soit réservée au plaisir de la soldatesque, soit victime, comme Lucia, forcée au mariage pour de sombres raisons d'intérêt, et brutalisée comme une bête qu'on mène à l'abattoir, sous le regard d'observateurs ressemblant comme des frères aux amateurs de sensations qui assistaient aux leçons de Charcot à la Salpétrière.
Force est de constater que cette vision impitoyable n'a rien perdu de sa violence, et que ce superbe travail de théâtre, dont j'avais farouchement pris la défense, voici cinq ans, au prix de quelques lettres d'insultes, est plus provocant que jamais. Passons vite sur une partie de la distribution, sauf pour signaler la jolie voix de Reinaldo Macias (Arturo), qui donne du relief à un rôle généralement sacrifié, l'autorité de Eldar Aliev (Raimondo), et le mordant de Franck Ferrari (Enrico), qui, avec les années, gagne en style et en musicalité. En revanche, Frank Lopardo (Edgardo) se montre pataud et sans charme- susurrer quelques notes trop suaves n'est qu'un cache-misère. Peut-on imaginer amoureux plus terne ?
June Anderson s'en accommode ; il est vrai qu'elle s'investit à tel point dans le spectacle qu'elle finit par en être l'âme. Sa forme vocale est éblouissante, et l'on se doute que sa scène de la folie est un sommet justement acclamé. Quant à son art de comédienne, débarrassé, aujourd'hui, d'inutiles crispations, il est de ceux qui font frissonner d'aise le spectateur le plus blasé. Elle cède parfois à son péché mignon, ralentir les tempos, ce qui n'arrange pas Bruno Campanella, dont la direction semble souvent quelque peu décousue. Mais les vraies personnalités sont tellement rares, et qui plus est celles qui aiment prendre des risques, que personne ne lui en tient rigueur ! June Anderson, qui se gausse avec raison du "star système", fait partie de cette élite ; qu'elle en soit remerciée.
Un mouvement de grève étant annoncé sur certaines représentations, il est préférable de se renseigner au 01 44 61 59 63
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Opéra Bastille, Paris Le 24/11/2000 Michel PAROUTY |
| Lucia di Lammermoor de Donizetti à l'Opéra Bastille | Lucia di Lammermoor de Gaetano Donizetti
Orchestre de l'Opéra de Paris
Direction musicale : Bruno Campanella.
Mise en scène : Andrei Serban.
Avec June Anderson (Lucia), Frank Lopardo (Edgardo), Franck Ferrari (Enrico), Eldar Aliev (Raimondo), Reinaldo Macias (Arturo). | |
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