Intitulé Un souffle de lumière, le dernier programme de Matthias Pintscher en tant que directeur musical de l'Ensemble intercontemporain présente un panel d'œuvres emblématiques du XXe ainsi qu'une création de Mark Andre. À l'écoute, on a toujours du mal à croire que la composition des Cinq pièces pour orchestre op. 10 de Webern remonte à 1913. La troisième notamment est un modèle absolu d'équilibre de timbres et d'accords, un écho suspendu et épuré à la poésie de Stefan George qui inspirait alors le compositeur viennois.

On goûte dans Vif et délicatement animé la façon dont Matthias Pintscher distingue les réponses clarinette-violon ou dans Très fluide le mouvement giratoire qui emporte la ligne vers sa conclusion avec la citation mahlérienne par le cor délicat de Jens McManama, dont c'est le dernier concert, après 44 ans de carrière avec l'EIC.

Prévue à l'origine pour être insérée au centre du programme, la pièce Dasein 1 de Mark Andre est dédicacée au chef allemand. Elle présente des nuances et un style assez différents du caractère anguleux et abrupt auquel le compositeur français nous a accoutumé, basée sur une citation du livre des Nombres dans laquelle Moïse s'adresse à son frère Aaron – citation œcuménique reprise par le protestantisme, le judaïsme et le catholicisme. Une subtile lutherie électronique vient rehausser les lignes musicales qui délimitent un espace temporel et sonore fait d'un matériau bruitiste qui renvoie à la respiration des interprètes et l'imitation du vent par les instruments.

L'actualité donne à Lichtbogen de Kaija Saariaho une intensité toute particulière. Programmée bien avant l'annonce de sa disparition, l’œuvre s'inspire d'une méditation procurée par le spectacle des aurores boréales – image mouvante dont le déplacement et l'amplitude trouvent dans la partition une forme d'équivalence abstraite de timbres. L'interprétation distingue dans l'écriture harmonique un rapport au temps et à la couleur générale qui apporte à la composition puissance et globalité synesthésique.

La soirée se conclut sur les Quatre Chants pour franchir le seuil, monument qui inscrit durablement le nom de Gérard Grisey sur les scènes internationales. La thématique progresse en quatre volets dédiés à la mort de l'ange, de la civilisation, de la voix et de l'humanité – un long chemin sonore accompagné par la voix très charnue de Sophia Burgos et le dispositif astucieux consistant à projeter les fragments de textes antiques au-dessus de la scène afin de créer une sorte de dramaturgie et placer le verbe à la hauteur du tissu orchestral.

Pintscher construit le dernier mouvement avec l'élégance et la carrure d'un poème épique. Le déchaînement de cette tempête s'éloigne des mystères d'un Giorgione et regarde ouvertement vers un large paysage, brassant le matériau avec la franchise d'intonation et la fraîcheur de teintes qui sied à une lecture éminemment véhémente et lyrique.