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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Nouvelle production du Nabucco de Giuseppe Verdi dans une mise en scène de Christiane Jatahy et sous la direction d'Antonino Fogliani au Grand Théâtre de Genève
Un drame de notre temps
La saison 2022-2023 du Grand Théâtre de Genève se conclut avec la somptueuse mise en scène de Nabucco signée Christiane Jatahy. Cette lecture chorale et engagée est magnifiée par un plateau dominé par Nicola Alaimo et Saioa Hernández, tandis qu'Antonino Fogliani multiplie les miracles verdiens à la tête de l'Orchestre de Suisse Romande.
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C'est une salle comble et enthousiaste qui accueille ce Nabucco au Grand Théâtre de Genève. La mise en scène de Christiane Jatahy offre du drame de Verdi une lecture qui place le spectateur au centre des intérêts, sollicitant son attention en augmentant l'espace scénique pour l'englober au cœur du spectacle. Ce sont tout d'abord ces deux immenses miroirs posés de biais sur scène, dans lesquels le public qui prend place se reflète. Cette image sert de fond de scène d'une action qu'on observe, aussi bien qu'on se regarde observer.
Dans un second temps, il y a ces deux cameramen qui arpentent le plateau et prélèvent en direct des plans sur tel ou tel personnage – images qu'on retrouve en projection au-dessus de la scène avec des effets de montages cinématographiques qui accentuent la tension d'un bout à l'autre de la soirée. En dernier lieu, Christiane Jatahy fait intervenir physiquement les choristes au contact du public. Il y a tout d'abord le chœur des Vierges qui sont assises au parterre, parmi le public et qui soudain se lèvent qui chanter leur déploration. C'est ensuite l'ensemble du chœur qui, après l'avoir chanté sur scène, rangé sur le proscenium, reprend le Va pensiero depuis la salle, réparti autour du parterre et dans les étages.
Une série d'images en différé et façon hologrammes sont projetées au centre de la scène, multipliant les protagonistes comme pour en accentuer l'impact sur le drame. On notera d'autres systèmes d'illustrations, comme ce bassin d'eau que les personnages traversent durant toute la première partie ou ce plafond de néons qui plane au-dessus de la scène – images très fortes qui font écho à l'affrontement des Hébreux et des Babyloniens sous le regard de Dieu. Et puis, le jeu des costumes qui introduit un réseau subtil et efficace d'idées et de références qui épousent l'action : Nabucco avec un moderne costume bleu cobalt en guise de couronne, le lourd et long manteau d'Abigaille, les robes-burkas en dentelles blanches de Balenciaga – image de la soumission sociale et religieuse orientale et occidentale…
Le plateau est à la hauteur de la soirée, à commencer par la première Abigaille de Saioa Hernandez, affrontant avec un brio et une netteté d'intonation le redoutable Anch'io dischiuso un giorno avec un art consommé de la ligne et du contrôle de la projection. Au même niveau se place la prise de rôle Nicola Alaimo en Nabucco, gratifiant son O prodi miei, seguitemi d'un engagement souverain dans le phrasé et d'une endurance à toute épreuve. Ismaele va comme un gant au jeune Davide Giusti qui offre une belle présence d'un bout à l'autre de la soirée. Riccardo Zanellato est parfois à la peine mais son Zaccaria gagne progressivement en intensité et en relief.
L'Orchestre de Suisse Romande est soulevé et emporté par la superbe direction d'Antonino Fogliani. Le chef italien donne au moindre détail un sens et une couleur qui forment un impressionnant soutien de tous les instants. Jamais simplement décorative mais toujours pulsée et riche d'inventions, la partition avance, d’une tension implacable. Du très grand art.
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