Annulé par la grève des intermittents en 2003, le Wozzeck de Stéphane Braunschweig restait la dernière tentative de faire entrer le chef-d'œuvre de Berg au répertoire d’Aix. Simon McBurney vient mettre un terme à cette longue absence avec une mise en scène qui cherche à reproduire la recette du succès de sa Flûte enchantée de 2014 et de son Rake's Progress de 2017. Son spectacle se distingue par sa facture irréprochable mais également par un didactisme à toute épreuve, avec une lisibilité confinant parfois à une série de panneaux indicateurs historiés.

Sur une scène en légère pente inclinée, trois cercles concentriques permettent de jouer avec des rotations de plateaux qui déplacent les protagonistes dans des directions et des vitesses différentes. Cet aménagement de l'espace souligne une forme de commentaire visuel qui illustre le destin erratique du personnage principal. Autour de lui gravite un monde de projections vidéo de façades d'immeubles ou de gros plans expressionnistes de visages captés sur le vif. Rien de réellement révolutionnaire dans cette approche réaliste agrémentée de quelques hardiesses hors d'âge puisées dans un théâtre beckettien – une porte placée au centre pour signaler la division dedans-dehors, des ensembles qui gigotent frénétiquement dans des scènes de cabaret façon cinéma muet.

La soldatesque arbore de sempiternelles vareuses vert-de-gris, avec le Capitaine en casquette plate et docteur en blouse blanche. Rien ne manque également de l'idée très contemporaine de la reproduction sociale en montrant par exemple comment le fils du Capitaine vient tourmenter le fils de Wozzeck dans la dernière scène, exactement comme son père le faisait au lever de rideau. Un inoffensif album d'images donc, où les rôles principaux sont environnés d'une nuée de figurants qui créent des décors mobiles en quelques secondes. On sort indemne de cette soirée qui promettait davantage, à l'exact opposé du choc Tcherniakov imposé la veille dans dans Così.

La distribution n'est pas loin de l'idéal mais souvent limitée à ses qualités propres, faute d'une sollicitation scénique suffisante. Christian Gerhaher enfile l'uniforme tragique de Wozzeck dans une interprétation d'une maîtrise et d'un raffinement exceptionnels, capable de traduire chaque nuance psychologique par une légère inflexion. Cet art du chant hérité d'une longue fréquentation du lied s'allie à la perfection avec la couleur de Malin Byström (Marie).

La soprano suédoise ajoute à sa prise de rôle une véhémence et une densité psychologique remarquables. Le tonitruant Tambour Major de Thomas Blondelle joue un peu trop des décibels là où le Capitaine de Peter Hoare sait proportionner le côté acerbe et pervers pour donner du réalisme à son rôle. Brindley Sherratt est exceptionnel de projection et de vibrato en Médecin.

Dirigeant le LSO pour la dernière fois en tant que directeur musical, Rattle multiplie les effets en pliant la partition à une lecture éminemment spectaculaire. Les transitions sont traitées avec une urgence qui en gomme parfois les détails, de même qu'une tendance à simplifier des récitatifs notés précisément en Sprechgesang.