Alexandre Kantorow est annoncé partout cet été, mais s’il apprend vite et possède déjà un répertoire conséquent pour ses 26 ans, il sait rester sur un nombre limité de concertos pendant une même période. À Radio France, c’est avec le Quatrième de Beethoven qu’il apparaît pour le public de Paris, la veille de l’ouverture du Festival Radio France Occitanie Montpellier.

Si le pianiste déjà très mûr sait parfois prendre l’ascendant, face à Sir John Eliot Gardiner, il s’adapte et laisse faire, pour suivre la dynamique autant que certaines propositions rythmiques en s’y accordant au mieux, surtout dans le premier mouvement. Évidemment, c’est lui qui ouvre la partition, de même qu’il y tient la grande cadence, un peu en rupture par son interprétation plus romantique que ne l’est le matériau symphonique, renforcé dans son côté classique par des cuivres anciens.

L’Andante con moto perd en force par l’approche du chef, qui refuse le pathos au risque de limiter le poids émotionnel. Kantorow suit cette ligne sans chercher à reprendre une option plus romantique, et glisse doucement vers le Rondo (Vivace), parfait pour mettre en exergue sa maestria et l’incroyable agilité de son toucher. Pour bis, il reprend le lied Litanei de Schubert transcrit par Liszt.

En seconde partie, le Philharmonique revient plus fourni, mais si les ophicléides sont bien présents, les cornistes entrent avec leurs instruments modernes, au risque de perturber légèrement certains mélanges de timbres. Pour le reste, on assiste à une Symphonie Fantastique dans le sens le plus littéral du terme, beaucoup plus mature que dans la proposition discographique de 1991 pour Philips. Gardiner, arrivé à 80 ans, se permet maintenant tout, sans jamais paraître en faire trop.

Dès Rêverie-Passions, chaque note et chaque mesure vise juste et touche au génie, l’Orchestre Philharmonique de Radio France dans un grand soir suivant toutes les idées du chef, comme celles d’appuyer les archets ou de faire presque frotter ou grincer les cordes, notamment sur les contrebasses dans les derniers mouvements. Bourrée d’idées, la vision de Gardiner se sert du programme de la symphonie berliozienne pour la mettre en scène, comme dans l’entrée de quatre harpes placées derrière le chef lors d’Un bal, ou encore l’échange des pâtres de la Scène aux champs avec la magnifique hautboïste en coulisse pour répondre au cor anglais.

La Marche au supplice s’achève non seulement par les accords brutaux du tutti, mais aussi par quatre pizz particulièrement fins pour évoquer la tête qui roule, en plus de laisser crier les musiciens pour amplifier l’effet des hurlements de la foule. Le Songe d’une nuit de sabbat profite aussi des cloches cachées pour décupler ses effets, magiques jusqu’aux derniers instants. Reste à espérer que les micros de France Musique qui seront installés demain à Montpellier servent à une parution discographique.




Concert de Montpellier à réentendre ici.