Souvent interprété au Festival Messiaen, le Quatuor pour la fin du temps retrouve cette année Patrick Messina, déjà entendu en 2019 dans ce même cadre de la petite Église de la Grave, alors avec Roger Muraro. Toujours aussi souple, le clarinettiste entraîne la Liturgie de cristal introductive, bien traitée aussi par les sonorités légères et colorées du Guarneri de Renaud Capuçon.

Encore plus puissant, Patrick Messina seul pour l’Abîme des oiseaux prouve par sa maîtrise sa connaissance parfaite de l’œuvre et plus particulièrement de cette partie, pour laquelle il a même enlevé ses lunettes et n’a plus besoin de regarder la partition. Autour, Kian Soltani est moins mature avec le matériau, mais s’y intègre parfaitement dès le début et rentre dans une merveilleuse méditation pour la Louange à l’éternité de Jésus, malheureusement interrompue par un grand fracas, lié à la chute d’une personne dans le public.

Il ne s’agit heureusement que d’un malaise vagal, mais une interruption est nécessaire près de dix minutes, et lorsque la musique reprend au début de la Louange, le piano d’Hélène Mercier s’y montre bien un peu moins dur, mais le violoncelle de Soltani est plus nerveux et ne retrouve pas la même exaltation. L’Intermède juste avant avait déjà profité du violoncelle, porté aussi par la clarinette de Messina et le violon dynamique de Capuçon, tout aussi énergiques dans la Danse de la fureur.

Fouillis d’arcs-en-ciel bénéficie moins du groupe, un peu plus brouillon ici, sans doute parce que les musiciens n’ont pas eu beaucoup de temps de répétition ensemble. De même, si Capuçon introduit tout en finesse la Louange à l’immortalité de Jésus, le piano un peu trop droit d’Hélène Mercier et la tentative de créer trop de lyrisme crée moins de force que dans la première louange.

Le lendemain, l’église de la Grave ayant été jugée trop petite face à la demande, le concert est déplacé à celle de Saint-Chaffrey, d’un peu plus de 200 places. Très intéressant dans les Thèmes et variations puis la Fantaisie écrits par un jeune Messiaen de 24 ans, Renaud Capuçon laisse s’y exprimer cette fois son Stradivarius, avec lequel il trouve un son aéré et un beau flux mélodique. Bien adapté aussi à la Sonate pour violon et piano de Debussy, son style très lyrique convient moins celle de Ravel jouée en conclusion, surtout dans le Blues, trop peu cadencé.

Visiblement heureux d’être là et d’avoir découvert le magnifique Pays de la Meije, Capuçon et Mercier offrent un bis qu’on aurait aimé plus osé, mais qui conquiert évidemment une grande partie du public, puisqu’il s’agit de la très célèbre Méditation de Thaïs de Massenet. Par sa présence au Festival Messiaen, le violoniste permet au directeur Bruno Messina d’affirmer l’importance du festival de la Meije aujourd’hui.