En matinée, Sélim Mazari et Jean-Baptiste Fonlupt entrent dans l’Auditorium bien rempli du Centre Marcel Pagnol et débutent sur le clavier d’un beau piano Bechstein les Six Duos de Rachmaninov. Il leur faudra la moitié de la Barcarolle pour vraiment s’agencer, puis le Scherzo et surtout la Chanson russe pour se délier. Célèbre, la Valse échauffe le public, mais met en évidence la sensation initiale d’un jeu coloré un peu trop gracieux pour ces pièces, dont la partie aiguë se montre plus droite sous les doigts de Fonlupt.

Plus souple, avec Mazari toujours au Bechstein et Fonlupt passé en face sur Steinway, la Rapsodie russe en mi mineur pour deux pianos convient mieux aux styles différents des deux pianistes, en cela qu’elle les laisse chacun s’exprimer sur l’intégralité de leur clavier. À leur retour, la première place est inversée pour la Suite pour deux pianos n° 2, dont Fonlupt tient à présent la partie grave. Le jeu s’y montre percussif, mais intéresse plus du côté de Mazari, même si attentifs l’un envers l’autre, les deux artistes proposent une lecture commune de la partition. Dynamique, la Polka italienne offerte en bis conclut le concert.

En après-midi et cette fois sur la grande scène dans le Parc du Château de Florans, Pavel Kolesnikov entre en compagnie de Samson Tsoy devant seulement un seul piano Fazioli, puisque tout le programme est à quatre mains. Débuté et achevé par Schubert, le concert laisse d’abord la place de gauche à Tsoy, qui s’acquitte donc en douceur des graves et des pédales pour le Lebensstürme, laissant plus ressortir l’aigu souvent dominant sous les doigts de Kolesnikov.

Donné en création française, Trompe-l’œil du Russe Leonid Desyatnikov laisse une place à une œuvre d’un compositeur contemporain. Écrit sur des rythmiques souvent abruptes, l’œuvre d’une vingtaine de minutes cherche à faire cohabiter les extrêmes, tout en jouant à la façon d’un Mossolov sur des sonorités à la limite du tonal. Parfaitement en accord, les deux pianistes enchaînent ensuite en donnant la place maîtresse à Kolesnikov, pour l’une des ultimes œuvres de Schubert, composée comme la précédente l’année de sa mort.

Avec la Fantaisie en fa mineur, le style se montre d’une finesse et d’une justesse impeccables pour emporter le premier thème si splendide et si triste de l’œuvre, avec une idéale touche de pathos. Jamais romantisée, la pièce s’étend grâce à la partie médium-aiguë, toujours soutenue par les beaux graves de l’autre pianiste. En bis la Sonatina de l’Actus Tragicus de Bach, un peu romantisée, maintient une atmosphère mélancolique bien adaptée.