Entrés sur la grande scène du Parc du Château de Florans en tenue traditionnelles blanches, devant un parterre bien garni sous une chaleur encore forte et les cigales encore en voix, Anna Geniushene et Lukas Geniušas font pendant au concert de Sélim Mazari et Jean-Baptiste Fonlupt le matin, en proposant eux-aussi un programme hommage à Rachmaninov.

Très représenté lors de cette édition, avec notamment l’intégrale de ses concertos sur trois soirs, le compositeur russe apparaît d’abord avec son adaptation à quatre mains d’une suite de La Belle au bois dormant, tirée du ballet de Tchaïkovski. En cinq parties, l’œuvre initiée Allegro vivo montre instantanément la vigueur russe du toucher.

Se connaissant parfaitement, les deux pianistes procurent une belle magie à La Fée des lilas de l’Introduction, dont Geniušas développe le thème délicat sous les graves de Geniushene, avant de livrer avec force la partie La Fée étend sa baguette, sous les notes répétées de son épouse, maintenant à côté de lui sur la droite du clavier. Aussi soignées, les autres parties s’étendent jusqu’à la Valse, parfaitement accordée par les deux pianistes joueurs et complices.

La Suite pour deux pianos n° 1 démontre ensuite dès la Barcarolle un style slave, non seulement dans la couleur, mais aussi dans la manière d’aborder la mélancolie, nichée dans chaque note du compositeur. Très dans l’aigu sur les deux pianos au début, la partition dérive vers les tons sombres dans La Nuit, seulement en train de tomber sur les pianos en Provence.

Les Larmes est introduit avec une sensation de chagrin retenue, tandis que Pâques permet aux artistes d’imager magnifiquement les cloches de toutes les tessitures, grâces à un toucher robuste et une pédalisation parfaitement dosée. L’entracte détend les esprits et assombrit complètement la scène, noire et presque sans bruits pour la deuxième moitié de soirée, juste un instant survolée par la chauve-souris des lieux.

Dans leur version pour deux pianos, les Danses symphoniques achèvent la soirée avec une pleine introduction des trois notes qui initie le grand thème du premier mouvement, Non allegro. Anna Geniushene tient cette fois la partie I à gauche, Lukas Geniušas à droite. Étonnant dans sa posture, il semble parfois se tenir la tête ou attendre quelque chose, mais retrouve un style parfaitement concentré dès qu’il repose les mains sur les touches.

L’Andante con moto laisse plus de flottement, pour raviver le matériau dans la ferveur du Lento assai, allegro vivace, puis du public dans les applaudissements. Encore disponibles, les deux pianistes peuvent alors offrir à quatre mains la Valse des Six duos op.11, puis revenir au compositeur de l’après-midi, Leonid Desyatnikov, avec sa pièce Le Mal du pays.