Même lorsqu’il n’est qu’un musicien parmi ses pairs, son nom remplit maintenant les salles et c’est aussi le cas pour les gradins de La Roque-d’Anthéron ; où l’on peine à trouver une chaise vide pour le concert entre amis d’Alexandre Kantorow. Avant de rejouer dans quelques semaines à leur nouveau festival des Rencontres de Nîmes les mêmes ouvrages sur plusieurs soirs, le pianiste, la violoniste Liya Petrova et le violoncelliste Aurélien Pascal font une escale en Provence pour un concert fleuve, duquel ressortent les pièces de Beethoven.

Parmi les trois Trios op. 1 créés en 1795 dans la maison du Prince Lichnowsky à Vienne, le premier permet à nos musiciens de s’échauffer avec véritable allégresse, l’ouvrage étant porté par le beau Helios de 1735 fabriqué par Carlo Bergonzi. D’une couleur différente car de Rome et non de Crémone, le violoncelle Maisky fabriqué en 1703 par David Tecchler s’intègre en finesse, devant un piano Steinway lui aussi utilisé en souplesse.

À leur retour, le Sinfonia Varsovia s’est joint à eux, dirigé du violon par Gordan Nikolitch. Jamais debout, même pour l’introduction, le chef entraîne en rythme son ensemble dans le Triple Concerto, un peu effacé dans cette soirée où jamais l’orchestre ne prend l’ascendant sur le trio. Là encore, on admire la musicalité et le phrasé de Kantorow, capable de jouer bien plus puissant, mais ici tout à fait adapté à un ouvrage un peu à part dans l’œuvre de Beethoven.

Toujours emporté par le violon de Liya Petrova, d’une superbe prestance encore dans cette partition, l’Opus 56 bénéficie toutefois de l’entente parfaite entre les trois musiciens, dont les regards et sourires complices suffisent à dynamiser toutes les parties, avec cet équilibre parfait entre les interprétations où l’on profite de la qualité de grands solistes, et celles où l’on bénéficie de la capacité à jouer parfaitement ensemble avec un vrai trio constitué.

Au retour d’entracte, Beethoven laisse sa place à Schubert, au gré de cigales plus calmes, endormies avec la nuit. Alors, Kantorow peut appliquer à la Wanderer-Fantasie son style déjà très mature et son toucher aussi impressionnant par l’agilité des deux mains que par le poids qu’il parvient à appliquer aux accords. Augmenté des deux musiciens de la première partie et de Violaine Despeyroux à l’alto et Yann Dubost à la contrebasse, la formation en quintette livre enfin la célèbre Truite du compositeur autrichien, dont elle bisse le moment le plus connu, avant d’imposer, à court de proposition, au surhomme Alexandre Kantorow de jouer l’Intermezzo de l’Op. 118 de Brahms.