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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de Siegfried de Wagner dans la mise en scène de Valentin Schwarz, sous la direction de Pietari Inkinen au festival de Bayreuth 2023.
Bayreuth 2023 :
Nous n’irons plus au bois
Siegfried sans sa forêt est toujours une épreuve. Mais la journée la plus longuette du Ring de Valentin Schwarz parvient à maintenir l’intérêt malgré quelques temps morts, une distribution inégale et une direction plus épaisse. Les nouvelles lignes du récit gênent aux entournures et les solutions plus ou moins heureuses de la mise en scène restent hasardeuses.
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La forêt est le cœur de l’âme allemande. Quand Wagner situe son deuxième acte de Siegfried dans la forêt, il assume ce passage obligé du merveilleux, inscrivant son œuvre dans la lignée du romantisme allemand : le Wanderer ne sort-il pas tout droit de Schubert ? Tout à sa lecture centrée sur les dynasties et le poids qu’elles font porter aux individus, Schwarz a délibérément brisé cette filiation, et on ne peut qu’endurer ce déracinement dans un triste loft.
Il faut pourtant saluer la cohérence d’avoir convié au II, autour du lit du grabataire Fafner soigné par son fils volé dans Rheingold, un Wotan voyeur, un Alberich qui rêve de récupérer l’enfant, que Mime voudrait délivrer de ces mauvaises influences. Naguère, c’est autour du cercueil de Freia que se rassemblait la même congrégation mafieuse. Or, de même que les Walkyries étaient obsolètes dans leur clinique, Fafner a fait son temps et meurt de sa belle mort en marchant ses derniers pas.
L’Oiseau de la forêt, aide-soignante rabrouée, bavarde avec un Siegfried auquel Andreas Schager n’apporte qu’univocité, à fond les manettes, éclat et largeur partout, inflexions nulle part. On peine à imaginer, dans la perspective héréditaire du metteur en scène, qu’une Sieglinde aussi ductile et coloriste qu’Elisabeth Teige et un Siegmund aussi murmuré et transparent que Klaus Florian Vogt – ou d’ailleurs le Hunding délicat de Georg Zeppenfeld – aient mis au monde pareil beauf, même si les moyens sont confondants.
Du coup, le Mime Geppetto d’Arnold Bezuyen, bon vieux montreur de marionnettes qui élève son Siegfried hors de la réalité des adultes dans les vestiges de la demeure de Hunding, est à la peine vocalement, aux limites de son instrument face à un garçon surdimensionné. Dans l’absolu, un problème, mais l’empathie pour le personnage y gagne, ici plus préoccupé de l’amour et du bien-être des enfants qu’ailleurs.
Okka von der Dammerau réussit en Erda le petit exploit d’apparaître vocalement vieillie depuis L’Or du Rhin dans une scène d’errance au milieu des morts du deuxième acte avec sa fille adoptée à l’époque, tandis que la Brünnhilde liftée de Daniela Köhler, timbre blond idéal pour la scène d’amour mais émission accidentée, remplace Catherine Foster le temps d’une éphémère nouvelle jeunesse. En fosse, Pietari Inkinen continue de creuser plus profond, plus épais, dans des textures plus noires, relâchant l’agogique pour faire entendre les silences et les doublures évaporées. Mais l’image laisse peu la place aux émerveillements des Murmures de la forêt.
Présences remarquables, l’obstinément fidèle Grane d’Igor Schwab, assistant aussi discret qu’efficace, et, plus inquiétant pour l’avenir, le fils d’Alberich passé à Fafner, parti à l’assaut du rocher avec son nouveau compagnon Siegfried, mais vite abandonné, et dont on se demande bien comment il a pu vivre tous ces traumatismes.
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Festspielhaus, Bayreuth Le 08/08/2023 Thomas COUBRONNE |
| Reprise de Siegfried de Wagner dans la mise en scène de Valentin Schwarz, sous la direction de Pietari Inkinen au festival de Bayreuth 2023. | Richard Wagner (1813-1883)
Siegfried, deuxième journée du festival scénique Der Ring des Nibelungen (1876)
Livret du compositeur
Orchester der Bayreuther Festspiele
direction : Pietari Inkinen
mise en scène : Valentin Schwarz
décors : Andrea Cozzi
costumes : Andy Besuch
Ă©clairages : Nicol Hungsberg
Avec :
Andreas Schager (Siegfried), Arnold Bezuyen (Mime), Tomasz Konieczny (Der Wanderer), Olafur Sigurdarson (Alberich), Tobias Kehrer (Fafner), Okka von der Dammerau (Erda), Daniel Köhler (Brünnhilde), Alexandra Steiner (Waldvogel), Branko Buchberger (Der junge Hagen), Igor Schwab (Grane). | |
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