En reconversion vers la direction d’orchestre depuis le second confinement, l’ancien violoncelliste du Quatuor Arod, Samy Rachid, prend de l’assurance et commence à apparaître sur certains programmes officiels, comme en ce début de saison pour L’Histoire du Soldat de Stravinski à la Philharmonie.

Écrit par nécessité pécuniaire en 1917, avec l’idée de pouvoir être repris facilement, ce petit conte d’après un texte en français de Ramuz permet au jeune chef, encore un peu trop strict dans le geste, de montrer déjà une belle pensée musicale. Attentif à tous ses instrumentistes, il pose toujours très bien les tempi, sans gesticuler ni s’éparpiller entre mille idées, concentré à développer le propos sans l’exagérer.

Issus de l’Orchestre de Paris, les sept instrumentistes s’accordent à cet esprit en délivrant de très beaux passages, notamment le violoniste Petteri Iivonen dans son grand solo, ou souvent le trompettiste Célestin Guérin. Sans doute le groupe aurait-il pu se libérer plus dans le Ragtime ou s’imposer plus sombre dans certaines parties du diable, notamment la contrebasse bien présente de Stanislav Kuchinski, mais au moins la prestation est équilibrée et suit une ligne logique tout au long de l’ouvrage.

Créée sous la direction d’Ernest Ansermet avec trois récitants, dont Jean Vilar en diable, la pièce ne trouve ici qu’une seule récitante en la personne d’Axelle Fanyo. Soprano montante de la scène française, la chanteuse se présente à l’aise dès le parlé-chanté de l’Introduction, mais se montre parfois un peu caricaturale dans la voix aigre du diable, ou dans la grosse voix volontairement grotesque du soldat.

Quelques petites inversions de ton apparaissent ici ou là, le diable perdant parfois son acidité pour retrouver le style neutre souvent dévolu au récitant, mais on assite à une belle prestation, d’autant qu’en plus de vraiment étayer son texte, la soprano ne bute jamais sur aucun mot. Amplifiée par un micro qui retranscrit même les bruits de lèvres ou ceux des tournes de pages, elle porte son histoire post-faustienne dans un Studio aux gradins intégralement remplis, relancée par deux gros haut-parleurs de chaque côté, pour permettre à tous de suivre l’histoire avec une parfaite clarté.