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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de l’Opéra d’Etat de Bavière sous la direction de Vladimir Jurowski, avec le concours du pianiste Yefim Bronfman et de la soprano Elsa Dreisig, au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Ententes musicales
L’Orchestre d’État de l’Opéra de Bavière donne un programme de haute tenue où les solistes paraissent particulièrement en phase avec les conceptions très assumées du directeur musical. Le Concerto pour piano de Schumann sonne ainsi comme une symphonie de chambre avec piano obligée. La Symphonie n° 4 de Mahler cultive une ambiguïté toute radicale.
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Les premiers accords de Tristan et Isolde de Wagner résonnent avec une certaine âpreté. Vladimir Jurowski construit avec rigueur la montée dramatique du Prélude, n’adoucissant en rien la modernité des conflits harmoniques. Ce n’est que dans les dernières pages que le chef consent à ouvrir davantage le son pour une réconciliation dont il souligne la pureté classique plutôt que le romantisme. Le même classicisme préside cette fois entièrement à sa lecture du Concerto pour piano de Schumann.
L'entente artistique parfaite avec le pianiste Yefim Bronfman permet une interprétation toute en finesse, absolument chambriste. Le piano semble ici complètement intégré à l’orchestre dans un dialogue presque obsessionnel. À la douceur du toucher de Bronfman et de celle des cordes de l'orchestre s’opposent des vents délicieusement acidulés. Le Nocturne op. 27 n° 2 de Chopin donné par le pianiste laisse pantois : dans un cadre très serré Bronfman anime le morceau avec une élégance fascinante.
En deuxième partie de soirée, Jurowski présente la Symphonie n° 4 de Mahler qu’il a naguère jouée avec le Philharmonique de Londres. D’un niveau comparable à ce dernier, l’Orchestre d’État de l’Opéra de Bavière possède néanmoins une personnalité plus marquée. Cela s’entend dès le Bedächtig où par exemple le pupitre de flûtes annonce un Paradis à la rusticité délicieuse. Pas plus qu’autrefois, Jurowski ne fait allégeance aux racines viennoises de cette musique. Il cultive en revanche à l’envie l’ambiguïté fondamentale de ces pages. La beauté s’assombrit vite, le rire devient subitement un sarcasme.
Plus grinçant que jamais, le violon solo du deuxième mouvement mène une danse plus inquiétante que de coutume où chacun dans l’orchestre a sa part. Mais si chaque arbre et même chaque branche bruisse de son individualité, cette forêt fantastique reste reliée au chef dans une vision d’une force peu commune. Il tient le Ruhevoll dans une esthétique post-romantique sans aucun pathos et progressivement l’orchestre semble littéralement se régénérer devant nos oreilles, avec toujours cette ambiguïté : est-ce le diable qui nous conduit au ciel ?
Du reste même le Sehr behaglich va se parer ici et là d’éclats inquiétants. Elsa Dreisig qui chante le Lied avec une aisance et une diction confondantes, rejoint complètement le chef dans sa vision. La joie se pare des souvenirs de tristesse passée et se colore peut-être aussi de l’adieu à venir. Un paradis certes mais point de béatitude. En bis, l’Aria de la Suite n° 3 de Bach dans la transcription de Mahler semble pour sa part hors du temps.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 21/09/2023 Thomas DESCHAMPS |
| Concert de l’Orchestre de l’Opéra d’Etat de Bavière sous la direction de Vladimir Jurowski, avec le concours du pianiste Yefim Bronfman et de la soprano Elsa Dreisig, au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Richard Wagner (1813-1883)
Prélude de Tristan et Isolde (1859)
Robert Schumann (1810-1856)
Concerto pour piano en la mineur op. 54 (1845)
Yefim Bronfman, piano
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n° 4 en sol majeur (1900)
Elsa Dreisig, soprano
Orchestre d’État de l’Opéra de Bavière
direction : Vladimir Jurowski | |
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