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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Nouvelle production de L’Or du Rhin de Wagner dans une mise en scène de Benedikt von Peter et sous la direction de Jonathan Nott au Théâtre de Bâle.
Ring Bâle (1) :
Sag warum
La fantastique dramaturgie wagnérienne trouve son entier épanouissement avec le dispositif scénique original déployé par les équipes du théâtre de Bâle pour cette nouvelle Tétralogie. Main dans la main avec le chef Jonathan Nott, le metteur en scène Benedikt von Peter initie un cycle marqué par une cohérence et une finesse qu’on espère confirmées par la suite.
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Complicité artistique
Sombre Volga
Hommage au réalisme poétique
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L’orchestre a disparu. Seul le plateau de la scène s’offre à la vue depuis le premier rang des spectateurs. Ce n’est pas une fosse recouverte comme à Bayreuth qui masque les musiciens. Audacieusement, l’orchestre et son chef se trouvent précisément sous la scène. La partie centrale du plateau est faite de claires-voies d’où s’échapperont bientôt les premières mesures de L’Or du Rhin.
Sur le mib tenu initial, très allongé avant le déploiement de l’harmonie originelle du Rhin, une voix off présentée comme celle de Brünnhilde se questionne : « comment a-t-on pu en arriver là ? » Avant que n’apparaissent les Filles du Rhin sous forme de grandes marionnettes, on aperçoit, dans le fond de scène, la toute jeune Walkyrie qui fait de la balançoire dans le jardin familial. Le metteur en scène Benedikt von Peter envisage ce prologue comme une préquelle.
Dans la maison du clan se trouvent déjà Siegmund mais également Siegfried, un garçonnet que son grand-père, Wotan, distrait par le moyen d’un petit théâtre de marionnettes utilisant toute l’imagerie traditionnelle du Ring. Sieglinde reste invisible mais les Nornes passent par là en femmes de joie au service du patriarche. L’histoire contée ce soir connaît peu de changements dans cette présentation, mais ils sont significatifs.
Ainsi, Freia a été tellement violentée par les Géants pendant sa prise en otage qu’elle se suicide une fois libérée. Le tarissement des pommes devient donc une des explications qui va conduire cette famille jusqu’à son crépuscule. À la toute fin de ce prologue, Siegmund casse une cloison dans la maison où Sieglinde était enfermée. Sur l’injonction impérieuse de Fricka, Froh et Donner attrapent Siegmund, tandis qu’un homme des bois emporte sur son dos Sieglinde loin du clan. Une scénographie réduite à une grammaire simple : une maison stylisée, une grande table familiale, un arbre mort ; une direction d’acteur aussi précise que sans emphase : tout sert dans ce dispositif une lecture finement psychanalytique qui emprunte aux séries télé son art de tenir en haleine le spectateur.
D’une distribution d’un rare équilibre se détachent des figures inoubliables. Dans ce volet, Loge est comme une locomotive dramaturgique. Michael Laurenz s’y montre impeccable diseur et chanteur. Face à lui, le Wotan de Nathan Berg, voix rocailleuse dont le timbre raconte autant que les mots, admirablement prononcés par ailleurs. Andrew Murphy présente un Alberich nuancé qui paraît presque digne face à la déliquescence de cette famille. Thomas Faulkner et Runi Brattaberg sont indéniablement des Géants mais aussi des marginaux. La Française Lucie Peyramaure semble une voix déjà démesurée pour Freia. Sa compatriote Solenn’ Lavanant Linke fait une Fricka hors des sentiers battus, moins matrone que de coutume rappelant le profil vocal de Friederike Grün, la créatrice du rôle à Bayreuth en 1876, dont le répertoire comptait nombre d’emplois relativement légers.
Comme pour chacun de ses rôles à Bâle, Ronan Cailllet, encore un Français, se signale par sa versatilité, ici pour un Froh très canaille. Enfin, impossible de ne pas signaler Hanna Schwarz qui chante Erda depuis sa prise de rôle en 1976 à Bayreuth. À 80 ans, la chanteuse émérite a gardé sa présence et son timbre chaleureux. Elle peut se concentrer sur sa ligne sans se soucier d’être couverte par l’orchestre tant Jonathan Nott et son orchestre l’enveloppent avec musicalité depuis leur Nibelheim. Une fois l’oreille accoutumée à un léger assourdissement bienvenu des cuivres, toute la représentation est grâce à eux un bonheur sonore qui décuple la force théâtrale de ce spectacle.
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Theater, Basel Le 23/09/2023 Thomas DESCHAMPS |
| Nouvelle production de L’Or du Rhin de Wagner dans une mise en scène de Benedikt von Peter et sous la direction de Jonathan Nott au Théâtre de Bâle. | Richard Wagner (1813-1883)
Das Rheingold, prologue au festival scénique Der Ring des Nibelungen (1854)
Livret du compositeur
Orchestre symphonique de Bâle
direction : Jonathan Nott
mise en scène : Benedikt von Peter
décors : Natascha von Steiger
costumes : Katrin Lea Tag
Ă©clairages : Roland Edrich
Avec :
Inna Fedorii (Woglinde), Valentina Stadler (Wellgunde), Sophie Kidwell (Flosshilde), Nathan Berg (Wotan), Michael Borth (Donner), Ronan Caillet (Froh), Michael Laurenz (Loge), Solenn’ Lavanant Linke (Fricka), Lucie Peyramaure (Freia), Hanna Schwarz (Erda), Andrew Murphy (Alberich), Karl-Heinz Brandt (Mime), Thomas Faulkner (Fasolt), Runi Brattaberg (Fafner). | |
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