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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Sixième Symphonie de Mahler par l’Orchestre symphonique de la radio bavaroise sous la direction de Simon Rattle à la Philharmonie de Paris.
Histoires de la musique viennoise
Pour son premier programme en tant que chef titulaire de l’Orchestre symphonique de la radio bavaroise, Simon Rattle revient avec un bonheur rare sur une de ses œuvres fétiches, la Symphonie n° 6 de Mahler. Plus sombre qu’à son départ de Berlin, la conception du chef mêle l’intime à la forme à un degré extraordinaire.
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Usant d’une impulsion fulgurante, Rattle lance le premier mouvement à vive allure, dépassant sans doute l’indication ma non troppo attachée à cet Allegro energico. Pour autant, il ne perd ni l’articulation ni les détails d’orchestration. Cette lisibilité atteint ainsi un degré vertigineux. Comme à son habitude dans ce mouvement, Rattle relance sans cesse le discours. L’orchestre d’une somptueuse agilité pare de couleurs superbes cet état de crise permanent.
Placé en deuxième position, l’Andante est joué très allant. Une fois encore Rattle n’accorde pas trop d’importance à l’indication moderato, ce qui permet d’éviter tout sentimentalisme. Mais dès l’appel des flûtes, le hautbois teinte le mouvement d’inquiétude. Le chef britannique sait à merveille cultiver l’ambivalence au-delà du merveilleux pittoresque des cors et des cloches.
Sous sa baguette, le Scherzo est plus que jamais la reprise d’une course cauchemardesque. Les vents de la Radio bavaroise incisent avec maestria et sans aucune lourdeur, leur directeur musical veillant à des transitions invisibles entre la marche et le trio. Le Finale, véritable symphonie dans la symphonie, cumule toutes les qualités, et Rattle y joue de tous les paramètres à sa disposition avec une ductibilité inouïe.
Travaillant la matière sombre des musiciens bavarois, il ne cesse de changer de climat, de couleur, tout en usant d’un rubato subtil qui est le secret d’une cohérence par-delà les violents conflits animant ces pages. On ne sait quel pupitre de l’orchestre louer le plus. Ce qui est sûr, c’est que l’on retrouve l’ensemble dans une forme comparable à celle qu’il avait à la disparition du regretté Mariss Jansons.
Si l’on peut déjà observer la patte de Rattle dans cette réalisation, cela tient sans doute au tempo enfiévré et plus encore au soin apporté à la percussion. On a rarement entendu une telle variété d’attaques et de nuances aux timbales, aux cymbales, au glockenspiel, aux cloches… et au marteau ! Les deux coups de ce soir, parfaitement gradués, ont un tranchant sans appel. Au fond, l’interprétation de Rattle et de la formation bavaroise donne à entendre les traits caractéristiques de la musique viennoise : l’alliage des timbres hérité de Haydn, l’ambiguïté des alternances majeur-mineur reçue de Schubert et finalement l’annonce du modernisme à venir de Webern.
Au-delà de la crise intime et de l’imminence d’une catastrophe innomée exprimées par la symphonie, Rattle fait chanter ces pages comme une Klangfarbenmelodie, une mélodie de timbres dont les joyaux sont ses nouveaux musiciens.
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Philharmonie, Paris Le 03/10/2023 Thomas DESCHAMPS |
| Sixième Symphonie de Mahler par l’Orchestre symphonique de la radio bavaroise sous la direction de Simon Rattle à la Philharmonie de Paris. | Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n° 6 en la mineur « Tragique » (1906)
Orchestre symphonique de la Radio bavaroise
direction : Sir Simon Rattle | |
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