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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de L'Affaire Makropoulos de Janáček dans la mise en scène de Krzysztof Warlikowski, sous la direction de Susanna Mälkki à l'Opéra de Paris.
Le temps retrouvé
Retour gagnant à l'Opéra de Paris pour cette affaire Makropoulos imaginée par Krzysztof Warlikowski en forme d'hommage au cinéma et à la solitude de ses stars éternelles. Karita Mattila se plie parfaitement à cette esthétique tandis que la direction de Susanna Mälkki fait de la complexité de l'écriture un écrin musical soyeux et fascinant.
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Dix ans tout juste après sa dernière apparition, la très poétique production de L'Affaire Makropoulos signé Krzysztof Warlikowski retrouve l'Opéra Bastille avec l'évidence et la stature des spectacles iconiques. La dramaturgie joue sur des références cinématographiques qui déploient en arrière-plan toute la palette d'identités d'Elina Makropoulos. La figure éternelle et vrai caméléon passe de Marylin Monroe à Gloria Swanson et Bette Davis, thème et variation d'un idéal féminin pris dans le paradoxe du refus de la mort et la lassitude de vivre. On suit pas à pas le kaléidoscope de ces vies exhibées et offertes en sacrifice au public à travers la souffrance intime d'un personnage principal vu comme une star de cinéma.
La scène si symbolique de King Kong tenant Fay Wray dans sa main se dévoile en fond de scène tandis que les protagonistes du procès Gregor-Prus l'observent, fascinés, depuis des rangées de sièges de cinéma qui rappellent le dispositif du Triomphe du temps et de la désillusion donné à Aix en 2016. À la fois spectateur et spectacle, les personnages passent d'un espace à l'autre, occasion pour Warlikowski de filer la métaphore-thématique de l'intime avec ces espaces clos et ces salles de bains où l'intime se donne à voir, tel une vérité brûlante et redoutable… jusqu'à l'ultime bassin éclairé de biais et rappelant la scène de la piscine dans Something's Got to Give, film inachevé de George Cukor clos par le suicide de Marilyn Monroe à qui il rendait hommage.
Ce spectacle magistral fonctionne tel un écrin construit sur mesure autour de Karita Mattila dans le rôle d'Emilia Marty. La présence en scène de la soprano finlandaise traduit la problématique d'une star qui revoit passer sa vie devant ses yeux. Vocalement, la prudence des premières interventions cède rapidement à l'engagement et à l'énergie d'aigus et de modulations dont elle seule semble avoir le secret. Ce rôle délirant et déraisonnable trouve ici une interprétation qui marquera tant par les limites techniques que par la présence quasi animale qu'elle lui offre.
Le reste de la distribution se signale par le Jaroslav Prus désabusé et cynique de Johan Reuter, sans oublier la palette sensible de Pavel Černoch, idéal de projection et de couleurs en Albert Gregor, et le docteur Kolenaty très énergique de Károly Szemerédy. On découvre avec bonheur la ligne très plastique et déployée d'Ilanah Lobel-Torres en Krista tandis que Cyrille Dubois joue un Janek parfaitement juvénile et naïf. Nicholas Jones en Vitek volubile et le numéro d'acteur de Peter Bronder en Hauk-Šendorf ferment le ban avec talent.
Dirigeant un Orchestre de l'Opéra de Paris parfaitement proportionné aux écueils si nombreux et si redoutables de cette partition, Susanna Mälkki conjugue lisibilité et engagement, guidant l'auditeur dans les replis d'une langue musicale où la complexité est de mise à tous les étages, à la hauteur d'un livret signé par le compositeur d’après la pièce de Karel Čapek. La direction agit ici selon le principe d'une enquête où les clés sont données progressivement, dévoilant un lyrisme sensible dans une rutilance d'accords et de lignes.
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Opéra Bastille, Paris Le 10/10/2023 David VERDIER |
| Reprise de L'Affaire Makropoulos de Janáček dans la mise en scène de Krzysztof Warlikowski, sous la direction de Susanna Mälkki à l'Opéra de Paris. | Leoš Janáček (1854-1928)
Věc Makropulos, opéra en trois actes (1936)
Livret du compositeur d’après la pièce de Karel Čapek
Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Susanna Mälkki
mise en scène : Krzysztof Warlikowski
décors & costumes : Małgorzata Szczęśniak
Ă©clairages : Felice Ross
vidéo : Denis Guéguin
préparation des chœurs : Ching-Lien Wu
Avec :
Karita Mattila (Emilia Marty), Pavel Černoch (Albert Gregor), Nicholas Jones (Vitek), Ilanah Lobel-Torres (Krista), Johan Reuter (Jaroslav Prus), Cyrille Dubois (Janek), Károly Szemerédy (Doktor Kolenaty), Peter Bronder (Hauk-Sendorf). | |
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