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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction de Klaus Mäkelä, avec le concours de la pianiste Yuja Wang à la Philharmonie de Paris.
Figure et abstraction
L’attente n’a pas été déçue pour les deux concertos pour piano de Maurice Ravel donnés avec virtuosité et style par Yuja Wang, Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris. La surprise vient autant d’un Prélude à la l’après-midi d’un faune de Claude Debussy presque étale que d’un Mandarin merveilleux de Béla Bartók d’une rage insensée.
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Au fil des concerts de Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris, quelques traits récurrents s’imposent à l’oreille. Parmi ceux-ci, le fait que le chef finlandais a tendance à ne pas cultiver la narration et préfère souvent une interprétation plus allégorique. Ce soir, le Prélude à l’après-midi d’un faune illustre cette observation. Traité en masses liquides presque immobiles, l’orchestre reflète parfaitement l’irisation de la flûte solo. Calme et volupté : ce faune ne veut vraiment pas se lever. Plus, il s’agit davantage de l’idée d’un faune que de sa représentation. En parfait contraste, la gifle initiale de l’orchestre dans le Concerto pour piano en sol de Ravel.
Célérité et virtuosité : Yuja Wang suit sans effort le train d’enfer. Les bois narquois rivalisent d’esprit et ponctuent d’accents drolatiques. La pianiste impose une sonorité pleine sans verser dans l’écriture romantique que Ravel souhaitait éviter. Pour l’Adagio assai, la soliste chante avec une simplicité de bon aloi, rejointe par une petite harmonie en état de grâce. Le Presto reprend le dialogue, comme un mouvement brownien aussi magnétique qu’infernal. Cette première partie de concert s’achève avec en bis une Arabesque de Debussy fluide à souhait mais curieusement abrégée. Après l’entracte, le Concerto pour la main gauche confirme le caractère exceptionnel du partenariat Wang-Mäkelä.
Tout en trouvant une respiration commune, les deux artistes conservent la dualité fondamentale de cette partition. L’énergie indispensable à cette course à l’abîme ne retombe pas, même dans les quelques diversions poétiques. Il n’y a rien de mécanique dans le jeu souvent effréné de Wang, au contraire, elle arrive à glisser ici et là des inflexions et des couleurs subtiles, avant de s’emporter dans le dernier crescendo. Pour terminer la soirée, Mäkelä reprend la version de concert du Mandarin merveilleux de Bartók qu’il avait déjà donné avec l’orchestre en avril 2021 mais sans public pour la plateforme en ligne de la Philharmonie de Paris.
Ce soir, on peut mesurer le chemin parcouru. L’entente avec les musiciens est devenue confondante de focalisation et de musicalité. Comme pour le Debussy de début de concert, Mäkelä n’illustre pas une histoire mais donne furieusement chair à une abstraction. Il lance tous les pupitres dans une composition à haut voltage. Cela rappe, perce et emporte l’oreille sans qu’une quelconque fatigue ne s’installe et sans lasser non plus. La monstrueuse coda parachève ce miracle de cohésion orchestrale dans une communion entre musiciens et spectateurs.
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Philharmonie, Paris Le 05/10/2023 Thomas DESCHAMPS |
| Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction de Klaus Mäkelä, avec le concours de la pianiste Yuja Wang à la Philharmonie de Paris. | Claude Debussy (1862-1918)
Prélude à l’après-midi d’un faune (1894)
Maurice Ravel (1875-1937)
Concerto pour piano en sol majeur (1931)
Concerto pour la main gauche (1930)
Yuja Wang, piano
BĂ©la BartĂłk (1881-1945)
Le Mandarin merveilleux, version de concert (1925, rév. 1935)
Orchestre de Paris
direction : Klaus Mäkelä | |
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