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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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RĂ©cital du pianiste Alexandre Kantorow Ă la Philharmonie de Paris.
Piano cantabile
L’engouement du public pour le pianiste Alexandre Kantorow ne risque pas de diminuer après une soirée à la Philharmonie de Paris où le Français montre, au-delà de la virtuosité, une liberté grandissante et surtout un épanouissement lyrique qui font de lui un interprète à part, tant dans Brahms, Liszt et Rachmaninov que Bach ou Bartók.
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À 26 ans, Alexandre Kantorow ne cesse d’enrichir son répertoire mais il tient également à vivre au long cours avec les œuvres. C’est pourquoi, ce soir, il propose un programme constitué de pièces qu’il fréquente déjà depuis un certain temps, à l’instar de la tumultueuse Rhapsodie en si mineur de Brahms qui ouvre le récital. Le pianiste y exhale aujourd’hui davantage le caractère libre et y trouve une respiration plus large qu’auparavant.
Comme en 2019 à la fondation Vuitton, il enchaîne avec Chasse-neige de Liszt dont la virtuosité folle paraît presque immatérielle. Il y ajoute généreusement la Vallée d’Obermann qui non seulement fait un beau contraste mais qui appelle avec bonheur d’autres caractéristiques de son jeu : la profondeur et le lyrisme. Kantorow creuse le questionnement de cette pièce au point qu’on a l’impression qu’il nous pousse dans des abysses.
Les remontées chantent de la manière la plus réconfortante qui soit, tandis que la palette de couleurs se pare de nuances subtiles jusqu’au climax poignant. La Rhapsodie de Bartók clôt la première partie en toute logique et symétrie mais constitue une sorte de de fenêtre ouverte, tant le pianiste ne se contente pas de souligner la filiation lisztienne de l’œuvre. Son interprétation tient de la divagation poétique, d’un monde sonore à un autre. Rubato et élan lyrique forment le liant de cette lecture hallucinée.
Après l’entracte, la Sonate pour piano n° 1 de Rachmaninov surprend non par ses emportements justement endiablés mais par son Lento où un legato incroyable assorti de sonorités d’une texture soyeuse porte très haut la part féminine de cette page. L’entrelacs des voix intermédiaires émerveille par son extrême ductilité. La même douceur des timbres et de chant s’applique à la Chaconne en ré mineur de Bach dans sa transcription pour la main gauche par Brahms. Pourtant, Kantorow ne renonce nullement à l’articulation qu’il prodigue avec subtilité tout en veillant à changer d’éclairage pour chaque variation. Une simplicité bouleversante s’en dégage et laisse le public presque coi.
En premier bis, le pianiste joue une transcription réalisée par la chanteuse Nina Simone dont on a oublié qu’elle rêvait d’être concertiste. Son adaptation de Mon cœur s’ouvre à ta voix de Samson et Dalila de Saint-Saëns est pure mélodie. S’il est possible, Kantorow ajoute encore du cantabile : tout se met à vibrer amoureusement sans effet de manche pour atteindre une quintessence du chant. Le Finale de L’Oiseau de feu de Stravinski dans la version Agosti clôt avec jubilation une soirée exceptionnelle.
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Philharmonie, Paris Le 09/11/2023 Thomas DESCHAMPS |
| RĂ©cital du pianiste Alexandre Kantorow Ă la Philharmonie de Paris. | Johannes Brahms (1833-1897)
Rhapsodie en si mineur, op. 79 n° 1 (1879)
Franz Liszt (1811-1886)
Chasse-neige (1851)
Vallée d’Obermann (1854)
BĂ©la BartĂłk (1881-1945)
Rhapsodie pour piano, op. 1 Sz 26 (1904)
SergeĂŻ Rachmaninov (1873-1943)
Sonate pour piano n° 1 en ré mineur, op. 28 (1908)
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Chaconne en ré mineur
Transcription pour la main gauche par Brahms
Alexandre Kantorow, piano | |
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