Prévue il y a deux saisons, Die Fledermaus revient à Rennes dans le spectacle particulièrement efficace de Jean Lacornerie, où, pour solutionner le problème des dialogues en allemand avec une distribution mi-française devant un public français, a été préférée une narratrice. Celle-ci n’est autre qu’Anne Girouard, la Reine de Bretagne de la série Kaamelot d’Alexandre Astier.

Elle endosse de tous les personnages, qui miment au même moment leurs scènes façon parodie de série B. Drôlissime, le résultat est parfaitement en accord avec l’œuvre, dont les dialogues ne sont pas ici une simple traduction française du livret viennois, mais directement inspirés de ceux de la pièce d’origine, Le Réveillon, de Meilhac et Halévy.

Quelques ajouts finissent de déclencher l’hilarité, le mari demandant pour dernier repas avant la prison une galette saucisse, puis le gardien alcoolique Frosch, toujours joué par la maîtresse de cérémonie, cherchant à retrouver son Gabriel von Eisenstein en passant d’abord par un certain Attal...

La distribution de 2021 fait son retour avec l’Eisenstein bien en voix de Stephan Genz. Miloš Bulajić chante la rengaine d’Alfred avec un timbre un peu trop nasal, parfait pour créer l’agacement du gardien lorsqu’il resasse sans fin sa mélopée depuis la coulisse, hurlant son désespoir d’amant du haut de la cellule dans laquelle il se trouve par erreur, avant d’être libéré enfin par le directeur de la prison, Frank, dont le chant clair et le jeu précis font de Horst Lamnek le meilleur représentant masculin du plateau.

Brillante Adèle, Claire de Sévigné offre une première romance lyrique, laissant toutefois davantage de visibilité à la Rosalinde plus projetée d’Éleonore Marguerre dès le premier duo. Cette dernière s’avère un peu courte dans le bas-médium pour sa grande Csárdás face à l’Orlofsky bien coloré de Stéphanie Houtzeel. Le Chœur de chambre Mélisme(s) ne peut que recevoir des éloges pour sa dynamique et sa ferveur.

Au I, une galerie de portraits sur un grand mur de cadres vides permet aux personnages d’apparaître tour à tour, avant que le plateau ne s’ouvre pour laisser place au bal. Une direction d’acteur et des danses bien travaillées participent à l’énergie de la soirée, portée par un Orchestre de Bretagne pour la dernière fois en fosse sous la houlette de son tout premier directeur musical, l’excellent Claude Schnitzler, dont la culture d’opérette nourrie jusqu’au Volksoper de Vienne offre une grande rigueur rythmique et une superbe liberté au plateau.