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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert avec films de l’Orchestre de Paris sous la direction de Klaus Mäkelä à la Philharmonie de Paris.
Cinéma Inferno
Du seul point de vue du dialogue supposé entre musique et image, la présentation des Ballets russes avec films projetés désole franchement. Cette démarche se réduit à une juxtaposition d’un média qui empiète sur la musique et brouille l’attention du spectateur. Pourtant, dans la pénombre, Klaus Mäkelä et son orchestre brillent de mille feux.
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Associer l’image à la musique, le cinéma le fait depuis toujours avec le plus souvent une prééminence naturelle de la première sur la seconde. Mettre des images sur un concert devrait relever d’un exercice très différent. Les trois cinéastes sollicités par le festival d’Aix-en-Provence et la Philharmonie de Paris n’ont pas du tout pris la mesure de cette inversion des rôles pour accompagner le concert des trois ballets les plus fameux de Stravinski. Rebecca Zlotowski qui avait tourné son film Planetarium au son de la Berceuse de L’Oiseau de feu, recycle les rushes de son long métrage.
Au ballet très narratif, elle plaque une narration diffractée à un point qui la rend incompréhensible, troublant profondément l’écoute. Pour Petrouchka, Bertrand Mandico ne s’embarrasse pas et revendique une relecture divergente formée de deux écrans faux-jumeaux. Si le fétichisme lié au pantin se conçoit, l’inversion des genres et la dénonciation d’une violence institutionnelle ressemblent davantage à un projet personnel qu’à une illustration, même libre. Les cinéastes se montrent en outre presque tout le temps ignorants de la nature chorégraphique des œuvres avec un montage contre-intuitif des images sur la musique.
Le dernier film, celui d’EvangelĂa KraniĂłti, ne dĂ©roge pas Ă ce triste constat, en alternant superbes images d’un documentaire sur la fonte des glaces et plans sur deux rĂ©fugiĂ©s (climatiques ?) coincĂ©s entre deux bretelles de boulevard pĂ©riphĂ©rique. Des passages sur des fĂŞtes rituelles au BrĂ©sil semblent davantage en rapport avec l’argument mais on n’en croit pas nos yeux lorsque la cinĂ©aste illustre la dernière Danse sacrale par la course au ralenti (alors que la musique s’emballe) d’un homme nu transgenre dont les attributs masculins et fĂ©minins ballotent lourdement. Dans ce contexte très accaparant mais peu stimulant, on a essayĂ© de capter l’essentiel de l’interprĂ©tation brillante des partitions par l’Orchestre de Paris sous la direction de son directeur musical.
Dans L’Oiseau de feu, Klaus Mäkelä reprend la lecture emportée jusqu’au trivial qui n’avait que partiellement convaincu en septembre 2022. Cette succession d’effets, notamment dynamiques, peut éblouir mais écrase la finesse harmonique de l’œuvre. Le chef affine en revanche sa direction de Petrouchka. Tout en conservant l’armature rythmique insistante, il trouve plus de subtilité dans les enchaînements tandis que les admirables solos de l’orchestre gardent une grande fraîcheur. Quant au Sacre du printemps, il gagne considérablement en unité par rapport à l’automne 2022. Sans rien lâcher, Mäkelä et son orchestre de braise allient raffinement et cruauté.
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Philharmonie, Paris Le 28/02/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Concert avec films de l’Orchestre de Paris sous la direction de Klaus Mäkelä à la Philharmonie de Paris. | Igor Stravinski (1882-1971)
L’Oiseau de feu (1910)
Film de Rebecca Zlotowski
Petrouchka (1911, rév. 1947)
Jean-Baptiste Doulcet, piano
Film de Bertrand Mandico
Le Sacre du printemps (1913)
Film d’EvangelĂa KraniĂłti
Orchestre de Paris
direction : Klaus Mäkelä | |
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