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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de The Exterminating Angel de Thomas AdĂšs dans une mise en scĂšne de Calixto Bieito et sous la direction du compositeur Ă lâOpĂ©ra Bastille, Paris.
La force de lâinexplicable
Conjonction parfaite pour lâentrĂ©e au rĂ©pertoire de lâOpĂ©ra de Paris de The Exterminating Angel. La partition gĂ©niale de Thomas AdĂšs fait lâobjet dâune mise en scĂšne de Calixto Bieito oĂč la dĂ©liquescence de la situation conserve un pouvoir mystĂ©rieux de suggestion. Le compositeur conduit un orchestre ultra rĂ©actif et une admirable troupe de chanteurs au triomphe.
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Une renommée trÚs flatteuse a précédé la premiÚre française à Paris de The Exterminating Angel. Le troisiÚme opéra de Thomas AdÚs créé au festival de Salzbourg en 2016 avait reçu un accueil presque unanimement laudateur y compris dans nos colonnes. La production initiale montée par le co-librettiste Tom Cairns a ensuite été donnée à Londres puis au Metropolitan Opera de New York et enfin à Copenhague.
Pour cette entrĂ©e au rĂ©pertoire, lâOpĂ©ra de Paris a eu lâidĂ©e brillante de confier la mise en scĂšne Ă Calixto Bieito. Plus quâun connaisseur du film LâAnge exterminateur Ă lâorigine de cet opĂ©ra, Bieito se considĂšre profondĂ©ment liĂ© Ă toute lâĆuvre du cinĂ©aste Luis Buñel. Et de fait, lĂ oĂč Tom Cairns faisait preuve dâune littĂ©ralitĂ© exemplaire et inĂ©branlable, trĂšs descriptive, le metteur en scĂšne catalan dĂ©pouille la scĂšne au maximum pour que le spectateur puisse davantage faire sa propre lecture de cette histoire montrant un groupe de bourgeois empĂȘchĂ© par une force mystĂ©rieuse de quitter le salon oĂč ils sont rĂ©unis aprĂšs une soirĂ©e Ă lâopĂ©ra.
Ni le dĂ©cor blanc immaculĂ© ni les tenues de soirĂ©e des convives ne permettent de situer lâaction dans un pays particulier ou une Ă©poque prĂ©cise. Ă la diffĂ©rence de la production princeps, le sentiment dâenfermement est renforcĂ© par la dĂ©cision de ne pas couper lâaction dâun entracte et par le choix de ne pas montrer lâextĂ©rieur du salon lorsquâune foule cherche Ă sauver les bourgeois incapables de sortir.
Le garçonnet tient des ballons figurant des tĂȘtes de mouton, tandis que lâours qui devrait aussi entrer dans la piĂšce nâest quâune peluche gĂ©ante : nous sommes nous-mĂȘmes les animaux. Tout est ramenĂ© Ă une direction dâacteur Ă©poustouflante. Ă lâinstar de ce que pratiquait Buñel, Bieito laisse une part dâimprovisation aux chanteurs dont le jeu atteint une vĂ©ritĂ© confondante dans ce dĂ©lire des pulsions les moins ragoĂ»tantes. Câest dâautant plus marquant que la distribution est sans aucune faille.
De la crĂ©ation, on retrouve les excellents Christine Rice et FrĂ©dĂ©ric Antoun. Chacune des sopranos possĂšde un profil diffĂ©rent, au premier chef lâincroyable Gloria Tronel qui prodigue sans compter les aigus de son personnage de chanteuse colorature. Dâune prĂ©sence formidable, Hilary Summers dĂ©ploie un timbre capiteux.
Chez les hommes, le contre-tĂ©nor Anthony Roth Costanzo montre une puissance dramatique bouleversante, Clive Bayley distille ses conseils de docteur de maniĂšre impayable. Le baryton Jarrett Ott conserve une ligne exemplaire jusque dans les scĂšnes les plus dĂ©lirantes. Sâil est impossible et terriblement injuste de nommer les vingt-deux chanteurs, il faut souligner lâextraordinaire performance de Nicky Spence. Ă lâimage de cette remarquable troupe, il atteint une sorte dâacmĂ© qui marque autant lâĆil que lâoreille.
Dans la fosse, le compositeur se rĂ©vĂšle une nouvelle fois un chef Ă la fois prĂ©cis et charismatique. Si lâon regrette comme souvent Ă Bastille une maĂźtrise trĂšs perfectible de la sonorisation (les cloches, les ondes Martenot, la guitare, le chĆur en coulisse), lâOrchestre de lâOpĂ©ra se couvre de gloire et semble se dĂ©lecter dâune partition que Thomas AdĂšs a rĂ©visĂ©e pour lâoccasion et qui fascine dĂ©finitivement par sa richesse.
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Opéra Bastille, Paris Le 29/02/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Nouvelle production de The Exterminating Angel de Thomas AdĂšs dans une mise en scĂšne de Calixto Bieito et sous la direction du compositeur Ă lâOpĂ©ra Bastille, Paris. | Thomas AdĂšs (*1971)
The Exterminating Angel, opéra en trois actes (2016)
Livret de Tom Cairns & Thomas AdĂšs dâaprĂšs Luis Buñel
ChĆur et Orchestre de lâOpĂ©ra national de Paris,
direction : Thomas AdĂšs
mise en scĂšne : Calixto Bieito
décors : Anna-Sofia Kirsch
costumes : Ingo KrĂŒgler
Ă©clairages : Reinhard Traub
prĂ©paration des chĆurs : Ching-Lien Wu
Avec :
Jacquelyn Stucker (LucĂa de Nobile), Gloria Tronel (Leticai Maynar), Hilary Summers (Leonora Palma), Claudia Boyle (Silvia de ĂvĂla), Christine Rice (Blanca Delgado), Amina Edris (Beatriz), Nicky Spence (Edmundo de Nobile), FrĂ©dĂ©ric Antoun (comte RaĂșl Yebenes), Jarrett Ott (Ălvaro GĂłmez), Anthony Roth Costanzo (Francisco de ĂvĂla), Filipe Manu (Eduardo), Philippe Sly (Señor Russell), Paul Gay (Alberto Roc), Clive Bayley (docteurr Carlos Conde), Thomas Faulkner (Julio un majordome), Nicholas Jones (Enrique, un serveur), Andres Cascante (Pablo, un cuisinier), Ilanah Lobel-Torres (Meni, une servante), Bethany Horak-Hallett (Cailla, une servante), RĂ©gis Mengus (Padre SansĂłn), Arthur Harmonic (Yoli). | |
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