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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 décembre 2024 |
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Récital du pianiste András Schiff à la Philharmonie de Paris.
Convenances classiques
Le programme très généreux choisi par András Schiff pour son récital annuel à la Philharmonie de Paris est marqué par l’équilibre et l’intelligence. Il varie et module avec une distinction lumineuse dans Bach et Mozart. Le pianisme plus exigeant de Schumann et Mendelssohn le montre moins séduisant tandis que La Tempête de Beethoven reste sur la réserve.
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Bons baisers d’Eltsine
Chambre déséquilibrée
RĂ©gal ramiste
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András Schiff ouvre son récital avec le Capriccio « sur le départ de son frère bien-aimé » de Bach. De son toucher délicat il produit un son à la dynamique très modérée forçant l’écoute et captant immédiatement l’attention bien que le pianiste semble refuser l’aspect descriptif de cette musique. Ainsi la fugue imitant le cor de postillon est d’une superbe agilité sans être théâtrale. Sa lecture du Ricercare à trois voix éclaire pleinement la polyphonie de l’écriture, d’autant plus que fidèle à son habitude il use le moins possible de la pédale forte.
Ce jeu sans ostentation semble plus singulier dans la Fantaisie en ut mineur de Mozart. Schiff choisit en effet des tempos peu contrastés pour une œuvre qui pourtant repose sur l’alternance en ce domaine. De la même manière, il lisse les nuances dynamiques pour un résultat d’un classicisme ultra élégant mais peu dramatique. Le retour à Bach avec la Suite française n° 5 en sol majeur convainc bien davantage.
De manière prévisible, il ne faut pas attendre de Schiff une caractérisation particulière des différentes danses composant cette suite. Le musicien illumine la partition de son art ineffable de l’ornementation, toujours sans pédale, avec un jeu de couleurs restreintes mais toujours changeantes. Dans la gigue finale, il enchaîne avec esprit la Petite Gigue de Mozart. Cette première partie substantielle du récital se termine avec les Davidsbündlertänze de Schumann.
Cette fois le pianiste ne se dérobe pas devant la bipolarité fondamentale de cette pièce. L’élégance la plus distinguée traverse les rêveries d’Eusebius mais en s’efforçant de rendre la fougue parfois rageuse de Florestan, Schiff y perd un peu de son art. Dans les passages les plus virtuoses, la sonorité devient dure et presque cassante.
Après l’entracte, son bel esprit lui fait précéder les Variations sérieuses de Mendelssohn par les premières pages de la Fantaisie chromatique et fugue de Bach. L’écriture fuguée de certaines variations trouvent le pianiste à son meilleur mais les nombreuses pages de bravoure souffrent à nouveau d’une sonorité durcie avec même des résonnances désagréables dans le haut du clavier du Bösendorfer. Heureusement, ces problèmes sont bien moins prégnants avec la pièce qui clôt le programme du récital.
Dans La Tempête de Beethoven le musicien retrouve une gravité empreinte de douceur pour un premier mouvement très réussi dans la mise en valeur du jeu de questions-réponses typique du maître de Bonn. L’Adagio est plus charmant qu’émouvant, c’est qu’ici Schiff ne se montre pas assez lyrique faute d’un legato suffisant. Le troisième mouvement déçoit par la réserve de son tempo et le manque de chant du pianiste qui ne se départ jamais d’une élégance de bon aloi. Cinq bis (Mozart, Bach, Mendelssohn par deux fois et Schumann) viennent satisfaire un public enthousiaste.
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Philharmonie, Paris Le 01/03/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Récital du pianiste András Schiff à la Philharmonie de Paris. | Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Capriccio « sur le départ de son frère bien-aimé », BWV 992 (1706)
Ricercare à trois voix (l’Offrande musicale), BWV 1079 (1747)
Suite française n° 5 en sol majeur, BWV 816 (1722)
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Fantaisie en ut mineur, K. 475 (1785)
Eine kleine Gigue, K. 574 (1789)
Robert Schumann (1810-1856)
Davidsbündlertänze, op. 6 (1837)
Felix Mendelssohn (1809-1847)
Variations sérieuses, op. 54 (1841)
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate n° 17 en ré mineur op. 31 n° 2 « la Tempête » (1802)
András Schiff, piano | |
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