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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Carte blanche à Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris au musée du Louvre, Paris.
Ivresse musicale et picturale
Pour le premier concert de la carte blanche confiée par le musée du Louvre à Klaus Mäkelä et à l’Orchestre de Paris, les musiciens investissent la salle Le Brun et présentent un court mais intense programme où le tumultueux Octuor à cordes de Georges Enesco est précédé de la Battalia savoureuse d’Ignaz Franz Biber.
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Pochade réjouissante pleine d’effets sonores, la Battalia a 10 en ré majeur de Biber offre un contrepoint pour le moins ironique aux immenses peintures de Charles Le Brun qui bordent la salle portant son nom au musée du Louvre. Si la partition est parfaitement contemporaine des œuvres picturales, il y a une différence foncière de ton entre les représentations vigoureuses de la gloire d’Alexandre le Grand et la suite de croquis imaginée par le compositeur austro-tchèque.
Sur l’estrade installée au fond de la vaste pièce, huit musiciens à cordes de l’Orchestre de Paris rejoints par leur directeur musical Klaus Mäkelä qui joue ce soir du violoncelle et par la claveciniste Marie van Rhijn dispensent avec finesse les six mouvements de cette musique très imagée. Si l’ensemble sonne avec une cohérence très convaincante, l’évocation de La compagnie dissolue pleine d’humour manque sans doute encore un peu de naturel.
Ce petit bijou où huit mélodies s’enchevêtrent dans un joyeux fatras polytonal et polyrythmique est joué avec un sérieux qui trahit la difficulté de l’exercice. Les musiciens semblent beaucoup plus à l’aise pour évoquer les marches et la bataille proprement dite, même si on remarque l’absence des feuilles de papier habituellement glissées entre les cordes pour figurer le son d’une caisse claire. Le programme imaginé par Mäkelä se poursuit avec l’Octuor à cordes en ut majeur d’Enesco.
Une pièce choisie avec un arbitraire « nullement louis-quatorzien » comme l’assume avec humour le violoncelliste-chef d’orchestre dans le programme de salle. Toutefois la liberté rythmique et tonale qu’on peut observer dans ce vaste chef-d’œuvre répond ce soir à celle des miniatures de Biber. Les musiciens en donnent une interprétation frémissante et fiévreuse qui magnifie une polyphonie exceptionnelle.
Le violoniste Nikola Nikolov déploie un lyrisme éperdu auquel répondent avec ardeur les autres musiciens. L’ensemble joué comme une arche immense marque par sa cohésion qui ne lâche jamais rien, même dans l’hypnotique Lentement. Point de bataille chez Enesco certes, mais jouée ainsi cette musique provoque une sensation s’approchant de l’ivresse de la peinture.
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Musée du Louvre, Paris Le 02/03/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Carte blanche à Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris au musée du Louvre, Paris. | Heinrich Ignaz Franz Biber (1644-1704)
Battalia a 10 en ré majeur, C 61 (1673)
Georges Enesco (1881-1955)
Octuor Ă cordes en ut majeur, op. 71 (1900)
Nikola Nikolov (violon)
Joseph André (violon)
Anne-Sophie Le Roi (violon)
Maya Koch (violon)
Corentin Bordelot (alto)
David Gaillard (alto)
Nicolas Carles (alto)
Marie Poulanges (alto)
Manon Gillardot (violoncelle)
Klaus Mäkelä (violoncelle)
Marie van Rhijn (clavecin) | |
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