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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital du pianiste Benjamin Grosvenor au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Le piano de l’intranquillité
Le deuxième récital donné par Benjamin Grosvenor au sein de la quarante-neuvième saison des concerts du dimanche matin de Jeanine Roze offre un programme dans lequel les tonalités se conjuguent avec intelligence. De Chopin à Prokofiev en passant par Liszt, le pianiste y explore avec un art confondant différents états de l’inquiétude.
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En octobre dernier, Benjamin Grosvenor nous avait laissé avec Chopin. Nous le retrouvons avec le compositeur polonais pour sa deuxième visite de la saison. Le pianiste empoigne vigoureusement la Ballade n° 1 en sol mineur. Le son toujours nourri du Britannique se fait ici viriliste pour une lecture un rien écrasante sinon impressionnante de hauteur de vue. La même manière marque les deux premiers mouvements de la Sonate n° 2 en sib mineur.
Avec la Marche funèbre, une inflexion se fait entendre. La tenue toujours exemplaire, inexorable ici, s’accompagne à présent de l’extraordinaire et habituelle respiration de l’artiste. L’étrange final y gagne en caractère cauchemardesque sans aucune dureté dans un camaïeu de couleurs entre chien et loup. Grosvenor apporte ensuite une touche plus rêveuse à ce récital avec la Berceuse de Liszt.
La nuit s’y pare de merveilleuses teintes dans un récit tout en fluidité et sans mièvrerie. Des guirlandes s’évanouissent dans des silences hypnotiques et l’ensemble se pare progressivement d’une légère inquiétude comme pour nous préparer à ce qui va suivre. Car le pianiste a choisi de présenter la Sonate n° 7 en sib majeur de Prokofiev dont le premier mouvement porte l’indication Allegro inquieto.
Grosvenor parvient à la fois à en exposer les contrastes antagonistes et à les transcender par une lecture dont le naturel n’a d’égal que la beauté du son. Le chant s’épanouit pleinement dans l’Andante caloroso tout en conservant une rythmique envoûtante. Le Precipitato final confirme une interprétation hallucinante de précision, d’allant et d’atmosphère. L’immense crescendo de cette toccata emporte tout sans que jamais le clavier n’écrase la pâte sonore. Cela tient de l’alchimie, tout comme les arpèges des Feux follets de Liszt donné en premier bis. Le pianiste finit de tout apaiser avec son propre arrangement de l’Abendlied de Schumann.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 17/03/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Récital du pianiste Benjamin Grosvenor au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Frédéric Chopin (1810-1849)
Ballade pour piano n° 1 en sol mineur, op. 23 (1836)
Sonate pour piano n° 2 en sib mineur, op. 35 (1839)
Franz Liszt (1811-1886)
Berceuse pour piano en réb majeur, S. 174 (1854, rév. 1862)
SergueĂŻ Prokofiev (1891-1953)
Sonate pour piano n° 7 en sib majeur, op. 83 (1942)
Benjamin Grosvenor, piano | |
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