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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Guercœur d'Alberic Magnard dans une mise en scène de Christof Loy et sous la direction d’Ingo Metzmacher à l'Opéra du Rhin.
Retour d’un chef-d’œuvre
Jamais redonné en France depuis sa création il y a bientôt un siècle, Guercœur d'Albéric Magnard revoit le jour sur la scène de l'Opéra du Rhin, dans une mise en scène efficace de Christof Loy et sous la direction engagée et ardente d’Ingo Metzmacher. Une résurrection qu'il faut bien qualifier d'événement lyrique de cette saison 2023-2024.
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Chef-d'œuvre mythique créé en 1931 à l'Opéra de Paris, où il ne sera repris que deux ans plus tard avant de disparaître totalement, Guercœur revoit le jour sur la scène de l'Opéra du Rhin. Le livret écrit par le compositeur puise dans une philosophie éclairée, au mitan d'un spiritualisme de surface et de valeurs républicaines bel et bien incarnées malgré la présence d'allégories aux noms évocateurs de Beauté, Bonté, Vérité et Souffrance.
Au lever de rideau, Guercœur, héros décédé errant parmi les ombres dans des limbes où domine la voix de la Vérité, parvient à convaincre cette divinité de retourner sur Terre pour retrouver son épouse Giselle et y parachever une mission politique essentielle. L'aventure tourne court en découvrant que Giselle est mariée à Heurtal, l'ancien ami de Guercœur qui règne désormais en tyran sur une population tournant le dos aux idéaux démocratiques. Le dernier acte voit le retour du héros parmi un empyrée où il est accueilli par un chant plein d'espoir qui vante l'alliance de la science et de la religion pour le futur bonheur de l'humanité.
La mise en scène de Christof Loy ne surcharge pas visuellement le message et l'idéologie du livret, empruntant à une austérité des décors un cadre expressif efficace. On ne distingue pas réellement entre les allégories en tenues chics dans un espace nocturne aux actes I et III avec un acte central en forme d'intermède où l'action s'anime sur un fond clair. L'interlude symphonique est souligné par une citation picturale avec un paysage du Lorrain – parenthèse bucolique qui précède la scène du pardon de Guercœur, axe musical et thématique de l'œuvre.
Les voix sont l'autre bonne surprise de cette représentation, avec un Stéphane Degout qui fédère tous les superlatifs, capable de traduire par l'autorité d'une voix d'airain l'ampleur psychologique du personnage, mais aussi les failles et la souffrance rentrée. Son interprétation impose une référence comparable à la signature discographique de José van Dam chez Michel Plasson.
Julien Henric offre à Heurtal une vivacité de projection et une clarté de timbre que ne parviennent pas à ternir les quelques voyelles ouvertes qui percent régulièrement. Giselle est tenue par une Antoinette Dennefeld dont chaque apparition semble un bonheur d'écoute supplémentaire et la confirmation d'une grande personnalité lyrique. La façon dont elle passe de la frayeur du parjure à la demande de pardon signe une interprète de tout premier plan. Seule Catherine Hunold (Vérité) peine à s'élever au III quand la direction d'acteur l'abandonne parmi le magnifique mais trop statique quatuor des voix féminines qui entourent Guercœur au moment de sa seconde mort.
Le geste fort et clair d’Ingo Metzmacher soulève un Orchestre philharmonique de Strasbourg capable de toutes les transparences et d'une tendresse dans la ligne qui dessine un écrin très contrasté à une œuvre où l'inspiration germanique ne cède en rien à l'esprit et à la couleur française.
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Opéra du Rhin, Strasbourg Le 28/04/2024 David VERDIER |
| Nouvelle production de Guercœur d'Alberic Magnard dans une mise en scène de Christof Loy et sous la direction d’Ingo Metzmacher à l'Opéra du Rhin. | Albéric Magnard (1865-1914)
Guercœur, tragédie lyrique en trois actes (1901)
Livret du compositeur
Chœur de l’Opéra national du Rhin
Orchestre philharmonique de Strasbourg
direction : Ingo Metzmacher
mise en scène : Christoph Loy
décors : Johannes Leiacker
costumes : Ursula Renzenbrink
Ă©clairages : Olaf Winter
préparation des chœurs : Hendrik Haas
Avec :
Guercœur (Stéphane Degout), Vérité (Catherine Hunold), Giselle (Antoinette Dennefeld), Heurtal (Julien Henric), Bonté (Eugénie Joneau), Beauté (Gabrielle Philiponet), Souffrance (Adriana Bignagni Lesca), L’Ombre d’une femme (Marie Lenormand), L’Ombre d’une vierge (Alysia Hanshaw), L’Ombre d’un poète (Glen Cunningham). | |
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