La rencontre des cultures offre aux scènes lyriques une forme d'expression où l'hybride permet une prolifération revigorante des genres et des publics. Telle est la carte que joue Bertrand Rossi, le directeur de l'Opéra de Nice, en invitant sur scène la danse hip hop aux côtés d'interprètes baroques pour cette Olympiade des olympiades en forme de compétition (ou "battle") lyrique. Le pasticcio a de quoi séduire, en tous cas sur le papier, sous la houlette du metteur en scène Eric Oberdorff qui signait déjà in loco en 2022 un étonnant Phaëton de Lully.

La scénographie de Fabien Teigné réalise le tour de force de transformer la salle à l'italienne de l'Opéra de Nice en stade d'athlétisme avec une piste en tartan orange posée au-dessus des fauteuils d'orchestre et une scène accessible via les coulisses et où se dressent des gradins. Sur des écrans vidéo, on suit en direct le (vrai) parcours en direct d'une flamme olympique reliant le musée du sport à l'Opéra. L'orchestre Matheus et celui (en version réduite) de l'Opéra de Nice se font face, avec le chef qui bondit de l'un à l'autre !

Avec sa sœur Nathalie, Jean-Christophe Spinosi a souhaité constituer cette olympiade d'extraits de différents compositeurs baroques pour mieux en exprimer la dramaturgie et varier les situations. On retrouve Hasse, Pergolèse, Caldara ou des noms moins connus comme Perez, Sarti ou Traetta… tous, au service d'une intrigue touffue et complexe où l'enjeu de ces joutes sera de conquérir le cœur d'une aimée, au prix d'une belle série de chausses trappes et de coups de théâtre qui tiennent le spectateur en haleine. La récitante Anaïs Gournay impose tout du long un commentaire dans un style radiophonique qui finit par tenir l'oreille à distance des nuances expressives de la musique.

Un bémol rapidement balayé par la qualité des interprètes, à commencer par Rémy Brès-Feuillet qui donne à Megacle l'ampleur et le velours du personnage. L'autre contre-ténor est Fernando Escalona (Licida), aussi à l'aise dans les ornementations que dans le jeu d'acteur. Côté féminin, Margherita Maria Sala séduit en Aristae par le timbre capiteux et souple quand Marlène Assayag tutoie les sommets en Aminta, rivalisant de brio et d'énergie avec Ana Maria Labin en Argene. La rondeur et la bonhommie de Luigi De Donato campe un Clistene avec une large assise quand Gilen Goicoechea dessine Alcandro avec des couleurs et une ligne parfaitement tenue.

Chœurs et orchestre(s) trouvent en Jean-Christophe Spinosi l'élément catalyseur dont la virtuosité et la gestique projettent un flux en perpétuel renouvellement, avec de très belles nuances d'une palette tantôt éthérée, tantôt acerbe et très rythmique.