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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de La Vestale de Spontini dans une mise en scène de Lydia Steier et sous la direction de Bertrand de Billy à l’Opéra de Paris.
Visions cauchemardesques
La Vestale retrouve l’Opéra de Paris après cent cinquante ans d’absence : de quoi mettre à l’honneur une musique d’une grande modernité. Le style déclamatoire et les chœurs majestueux dispensent un moment mémorable de théâtre, tandis que la transposition de Lydia Steier alerte sur les mirages d’un régime politique autoritaire, aux méthodes fascisantes.
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Le chef-d’œuvre de Spontini, seul ouvrage de son auteur à être encore sporadiquement monté, fait un retour pour le moins décapant, tant la mise en scène de l’Américaine Lydia Steier nous plonge d’emblée dans le climat d’horreur et d’oppression d’un totalitarisme théocratique, aussi brutal que sanglant. Talis est ordo deorum (Tel est l’ordre des Dieux) clame ainsi un graffiti éloquent, dès le lever de rideau, tandis que des cadavres sont pendus tête en bas.
Si l’on veut bien accepter ce parti-pris à même de prolonger la vision apocalyptique de sa Salomé de 2022, le choc est garanti : on a rarement vu transposition aussi ajustée par rapport au livret, à la moindre virgule inchangée, mais enrichi par tout le sous-texte visuel ajouté. Comment ne pas être troublé, en effet, par un livret qui fait l’apologie de la soumission populaire au chef ? Steier refuse de montrer la glorification militaire attendue afin de nous alerter sur les dangers liberticides de s’en remettre à un pouvoir non démocratique.
Aussi bien la mise au pas du chœur, représentant la foule ordinaire, que celles des vierges (les Vestales), font froid dans le dos, évoquant à plusieurs reprises les rudesses glaciales de la série La Servante écarlate – modèle évident de ce spectacle. Les effets de ralenti hallucinatoires pendant les ballets, où Julia erre comme un fantôme, marquent ainsi durablement. En contraste, le spectacle multiplie les idées force tel que l’autodafé en lieu et place de la flamme que Julia est censée préserver. Vu le contexte politique actuel, ce rappel de l’un des premiers gestes du nazisme raisonne comme un avertissement sinistre.
La direction de Bertrand de Billy, toute d’allègement des textures et d’un raffinement inouï, va malheureusement à l’encontre de l’impression visuelle souhaitée. C’est d’autant plus regrettable qu’en lissant ainsi les angles, le chef français diminue les contrastes de la partition, entre brio des chœurs, éloquence déclamatoire des amitiés masculines, sans parler de l’intimisme feutré et étouffant entre Vestales.
Ce manque de charpente, compensé par une attention aux détails et aux couleurs, n’empêche pas Michael Spyres (Licinius) de livrer une interprétation d’une haute intensité, entre puissance maîtrisée et variété de phrasés étourdissante. À ses côtés, Julien Behr (Cinna) assure au niveau de la diction, même si le timbre un peu nasal pèche dans l’expression aérienne des aigus, à l’émission trop étroite.
Eve-Maud Hubeaux (La Grande Vestale) manque également de puissance pour pleinement emporter, mais se rattrape par une composition dramatique de belle tenue, à l’instar du toujours superlatif Jean Teitgen (Le Souverain Pontife), à l’autorité naturelle portée par une technique toujours aussi sûre. Enfin, Élodie Hache endosse avec panache le rôle de Julia, suite à la défection d’Elza van den Heever. La soprano française fait valoir un beau tempérament, bien projeté et affirmé, même si quelques aigus manquent de stabilité.
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