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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de L'Affaire Makropoulos de Janáček dans une mise en scène de Richard Brunel et sous la direction d'Alexander Joel à l'Opéra de Lyon.
L'éternité et un jour
L'Affaire Makropoulos trouve à l'Opéra de Lyon dans la direction d'Alexander Joel et la mise en scène de Richard Brunel une lisibilité dramaturgique qui force le respect tout en limitant la poésie et les arrière-plans psychologiques. Aušrinė Stundytė signe une prise de rôle particulièrement bien entourée par le reste du plateau.
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La scène mimée qui précède l'ouverture montre la cantatrice Emilia Marty victime d'une crise soudaine qui lui fait perdre sa voix pendant un récital – premier jalon d'une Affaire Makropoulos qui fait du secret de sa mystérieuse longévité l'objet d'une quête vitale et obsessionnelle similaire à celle de Raphaël de Valentin dans La Peau de Chagrin de Balzac. Richard Brunel a cherché dans sa mise en scène à rendre lisible tous les éléments de cette course à l'abîme, depuis l'intrication onomastique de la bataille autour de l'héritage Gregor-Prus jusqu'à la deuxième enquête visant la mystérieuse cantatrice
La construction multiplie des scènes dont le didactisme se lit à la craie et sur un tableau noir, ou bien par des jeux de symétrie comme les superposions Emilia Marty-Albert Gregor et Krista-Janek. On croise également le miroir de la loge et l'indispensable piano accompagnant la cantatrice ; le premier fracassé dans un geste de rage tandis que le second finit en flammes, allégorie d'une mort symbolisée par la destruction de la fameuse formule Makropoulos.
Hauk mène un bal des vieillards qui fait passer un regard souriant et nostalgique sur les anciens amours d'un personnage dont la malédiction est de ne jamais mourir. À la différence de Warlikowski qui la montrait à travers le prisme de la star de cinéma, Emilia est abordée par celui d'un éternel féminin que la dimension éminemment humaine situe au niveau des autres personnages.
Les très inutiles meubles mobiles ou la trop lourde scène du procès avec le projecteur braqué sur elle comme un interrogatoire par un aréopage masculin en robes d'avocat, signent les limites d'un spectacle dont l'efficacité tente difficilement de s'accommoder d'un manque de relief, à l'exception des mystérieux et poétiques esprits de la forêt en arrière-plan dans la dernière scène, entre Falstaff et Le Songe d'une nuit d'été…
Le plateau fait la part belle à Aušrinė Stundytė, même si l'actrice rattrape à plusieurs reprises les strictes données techniques d'une voix parfois instable de ligne et d'accent. Sa présence magnétique est le cœur battant de cette production, attirant un Denys Pivnitskyi (Gregor) qui vient brûler ses ailes et certains aigus dans un jeu trop dangereux. Károly Szemerédy (Kolenaty) affiche une voix saine et puissante là où Tómas Tómasson (Prus) use d'une caractérisation et d'un timbre remarquables.
Plus en retrait, Paul Curievici compose un Vitek acerbe là où Marcel Beekman réussit la moindre de ses pirouettes pour dessiner à la pointe sèche un Hauk qu'on dirait tout droit sorti du répertoire baroque. La Krista très juste mais un peu en retrait de Thandiswa Mpongwana cède en intérêt au Janek vigoureux de Robert Lewis.
En fosse, la direction d'Alexander Joel privilégie la grande ligne et le lissé du phrasé à une lecture plus anguleuse et contrastée. L'orchestre répond parfaitement à cette approche qui forme pour les voix un écrin de haute qualité.
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