Avant de faire entendre deux grandes partitions de Maurice Ravel, Les Siècles dévoilent Amants qui suivez le chemin, une œuvre inouïe du compositeur dont la Bibliothèque nationale de France a récemment fait l’acquisition. Dans cette cantate très courte pour chœur et orchestre du début du XXe siècle, le jeune Ravel met en musique un poème d’Armand Silvestre.

Une proximité musicale avec Fauré se révèle dans l’épaisseur et les mélodies ascendantes du chœur tandis que Debussy et ses Sirènes affleurent à travers le chant bouche fermée. On a ensuite plaisir à découvrir le Thème varié pour violon et orchestre de Charlotte Sohy, composé en 1921, qui rappelle par moments le miroitement de La Mer de Debussy parsemé de mélodies pentatoniques. Renaud Capuçon s’empare avec lyrisme de cette partition, révélant par un son clair toute sa délicatesse.

Dernière rareté du programme, le premier et unique mouvement du Concerto pour violon de Gabriel Fauré s’inscrit dans une vision germanique demandant au soliste lyrisme et virtuosité. Si la tension musicale est parfaitement maîtrisée par Louis Langrée jusqu’à l’ostentatoire coda, les passages plus facétieux manquent de légèreté.

Ma mère l’Oye et la deuxième suite de Daphnis et Chloé de Maurice Ravel montrent l’étendue de la palette interprétative des Siècles pour les dynamiques, les atmosphères et les couleurs orchestrales. Langrée accompagne chaque soliste de sa direction souple et efficace tout en veillant au parfait équilibre des pupitres. Dans Le Petit Poucet, l’homogénéité savoureuse des violons crée une ambiance éthérée sublimée par le cor anglais avant que la Laideronette s’anime. L’exotisme fantasmé de Ravel culmine ici, sous une baguette où chaque association de timbre – xylophone et pizzicato, tam-tam et cor – illumine les pagodes. Le Jardin féérique, d’abord mélancolique, s’achève en majesté après un magnifique crescendo orchestral.

Daphnis signe enfin la plus grande réussite du concert. De façon extrêmement subtile, le chef français avait équilibré l’intensité sonore de Ma mère l’oye pour que le vaste ballet de 1912 composé pour Diaghilev soit saisissant de couleurs orchestrales dès la première note. Le frémissement de la petite harmonie, les contrebasses veloutées, le chant des oiseaux et bientôt le chœur nous happent dans un monde onirique. Les bois solistes brillent dans la Pantomime emmenée avec ferveur par un orchestre vibrant.

La Danse générale, tantôt sombre tantôt lumineuse, ne perd jamais son côté incisif tandis que Langrée veille à la gradation des nuances et de la tension pour finir en apothéose.