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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Nouvelles productions scène d'Iphigénie en Aulide et Iphigénie en Tauride de Gluck dans une mise en scène de Dmitri Tcherniakov et sous la direction d’Emmanuelle Haïm au Festival d'Aix-en-Provence 2024.
Aix 2024 (1) :
Ô décevante(s) Iphigénie(s)
Déception, en ouverture du festival lyrique d’Aix-en-Provence 2024, pour la mise en regard des deux Iphigénie (en Aulide puis en Tauride) de Christoph Willibald Gluck mises en scène de manière assez littérale et sans trop d'idées fortes par Dmitri Tcherniakov, malgré une distribution brillante et une direction magnifique signée Emmanuelle Haïm.
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Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
Le 05/07/2024
David VERDIER
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Complicité artistique
Sombre Volga
Hommage au réalisme poétique
[ Tous les concerts ]
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L'idée de mettre en regard les deux Iphigénie de Gluck dans une même soirée avait de quoi séduire et il est peu de dire combien Dmitri Tcherniakov comptait au petit nombre des metteurs en scène capable de relever un tel défi. C'est dire si la déception est à la hauteur des attentes. Les deux œuvres sont données dans la foulée, séparées par un généreux entracte d'une heure et demie et dans un décor unique dont le changement d'éclairage permet de varier le climat et le contexte.
Aulide et Tauride sont ici les deux épisodes d'une ligne dramaturgique qui débute dans les célébrations d'un sacrifice aux airs de comédie douce-amère et se termine dans la tragédie sanglante d'une guerre qui rappelle l’actuel conflit russo-ukrainien par l'allusion à la Crimée –nom actuel de l’antique Tauride. Contrairement à ses habitudes, Tcherniakov aborde les deux livrets frontalement, sans chercher à contourner le récit. Le drame des Atrides est exposé dans une littéralité brutale, avec ce qu'il faut d'allusions à notre monde contemporain pour en saisir toute la modernité.
Dans Aulide, Agamemnon est ce chef de guerre terrassé de douleur à l'idée de devoir sacrifier sa fille Iphigénie. La transposition nous fait imaginer des notables se disputant les destinées d'une entreprise familiale illustrée à la manière d'un conseil d'administration, un prétendant vulgaire et tonitruant (Achille) et une riche héritière qui, progressivement, prend conscience de la manigance dont elle est l'enjeu. Pas de lieto fine, mais la déesse Diane venant se substituer en personne à la victime et sa fuite en Tauride pour y célébrer les rites en son honneur.
La seconde partie montre, vingt ans après, une Iphigénie vieillie et veillant dans un bois de Diane aux allures d’hôpital ou de prison militaire sur une communauté de combattants traumatisés et estropiés. Oreste et Pylade sont ces deux prisonniers du camp adverse, dont l'un doit être désigné par la prêtresse pour y être sacrifié. Le metteur en scène se concentre sur ce passage de victime à bourreau et cette double peine que subit Iphigénie que les deux hommes finissent par quitter en la laissant face à son destin.
Corinne Winters relève fièrement le défi d'enchaîner les deux rôles-titres, avec un phrasé très appliqué et des couleurs en parfaite adéquation avec l'évolution psychologique du personnage. Elle sait parfaitement ménager la projection pour réussir à donner à Tauride une dimension supérieure à Aulide. La Clytemnestre de Véronique Gens fait oublier un jeu bien embarrassé par des qualités dans les changements de registres et la ligne dramatique de la blessure de la mère et de l'épouse.
Le Calchas véhément de Nicolas Cavallier rivalise avec l'Agamemnon en deçà de Russell Braun, et trouve en Alasdair Kent (Achille) un farouche opposant qui dispute avec une belle palette d'aigus et d'accents son rôle de prétendant. Le plateau est plus homogène en Tauride, avec l'Oreste impressionnant de Florian Sempey et le Pylade brillant de Stanislas de Barbeyrac, un rien forcé dans les aigus. Tout au plus émettrait-on quelques réserves sur le Thoas surligné d'Alexandre Duhamel.
La direction d'Emmanuelle HaĂŻm est absolument remarquable d'Ă©quilibre et de climats, avec une pulsation dramatique et des plans nets qui font parfaitement ressentir les tourments de la langue musicale de Gluck.
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Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence Le 05/07/2024 David VERDIER |
| Nouvelles productions scène d'Iphigénie en Aulide et Iphigénie en Tauride de Gluck dans une mise en scène de Dmitri Tcherniakov et sous la direction d’Emmanuelle Haïm au Festival d'Aix-en-Provence 2024. | Christoph Willibald Gluck (1714-1787)
Iphigénie en Aulide, tragédie en musique en trois actes (1774)
Livret de Marie François Louis Gand Le Blanc, Bailli du Roullet
Iphigénie en Tauride, tragédie lyrique en quatre actes (1779)
Livret de Nicolas-François Guillard
Chœur et Orchestre Le Concert d’Astrée
direction : Emmanuelle HaĂŻm
mise en scène et scénographie : Dmitri Tcherniakov
costumes : Elena Zaytseva
Ă©clairages : Gleb Filshinsky
Avec :
Russell Braun (Agamemnon), Véronique Gens (Clytemnestre), Corinne Winters (Iphigénie) ; Alasdair Kent (Achille), Nicolas Cavallier (Calchas), Lukáš Zeman (Patrocle), Thomas Kumięga (Arcas/ un Ministre/un Scythe), Soula Parassidis (Diane), Florian Sempey, (Oreste), Stanislas de Barbeyrac (Pylade), Alexandre Duhamel (Thoas), Laura Jarrell (une Prêtresse). | |
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