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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital du clarinettiste Nicolas Baldeyrou dans la collection Soulages du Musée Fabre, dans le cadre du festival Radio France Occitanie Montpellier 2024.
Montpellier 2024 (3) :
Noirceur et lumière
Nicolas Baldeyrou, membre de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, investit l’un des plus beaux cadres du festival Radio France Occitanie Montpellier, la collection Soulages du Musée Fabre, dans un programme pour clarinette solo concocté avec finesse autour du célèbre peintre, dans une magnifique alternance d’ombre et de clarté.
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Comment faire résonner en musique les tableaux outres-noirs de Pierre Soulages ? Nicolas Baldeyrou explore l’œuvre de Pierre Boulez, grand admirateur du peintre ruthénois, dont il possédait plusieurs toiles. Entouré de peintures, Nicolas Baldeyrou se déplace de pupitre en pupitre, pour interpréter Domaines dans sa version pour clarinette solo. Cette pièce emblématique, marquée par la technique d’aléatoire contrôlé, permet au musicien de choisir les motifs qu’il veut interpréter.
Le clarinettiste, dans une maîtrise parfaite de cette partition polymorphe et de son instrument, dompte la virtuosité des traits les plus escarpés et embrasse le mystère des passages les plus doux. Il relie chaque motif, tantôt comme un dialogue, tantôt comme une continuité en faisant vivre chacun de ses déplacements silencieux. On ne perd jamais le fil de ce merveilleux récit théâtralisé qui se dessine en creux dans les lignes, épaisses ou fines, du tableau en cinq panneaux.
La création de La rose des vents de Pascal Zavaro naît justement d’un questionnement sur la manière d’aborder les œuvres abstraites. Il construit sa pièce en quatre brefs mouvements qui décrivent les points cardinaux et associe au sud le chant des pygmées, et à l’est deux instruments du gagaku japonais, l’hichiriki et le ryuteki. Le premier mouvement (sud), d’une grande vivacité rythmique, juxtapose des gammes modales ascendantes et des hoquets dans lesquels Nicolas Baldeyrou bondit du grave à l’aigu avec beaucoup de souplesse. D’abord matérialisé par le souffle dans l’instrument, le vent d’ouest donne vie à trois voix mélodiques, douces et calmes, interprétées avec le son velouté du clarinettiste. Il faut dire que la subtile réverbération de la salle d’exposition magnifie les œuvres du programme.
Après l’Allemande de la Partita pour violon n° 2 et le Largo de la Sonate n° 3 de Bach, on se régale avec l’ajout surprise d’une sonate de Denisov, dont la musique était originellement destinée à un film sur les camps de prisonniers, qui fut censuré. Baldeyrou rend poignant le premier mouvement, plein de quarts de ton et de chromatismes retournés. La lamentation initiale se transforme rapidement en une séance de torture aux suraigus déchirants. L’anaphore d’une note répétée amorce la fuite du second mouvement, émaillée de motifs abrupts accidentés.
Au cours de ce superbe concert, lumière et noirceur se côtoient au gré des textures changeantes exaltées par le clarinettiste.
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Musée Fabre, Montpellier Le 11/07/2024 Chloë ROUGE |
| Récital du clarinettiste Nicolas Baldeyrou dans la collection Soulages du Musée Fabre, dans le cadre du festival Radio France Occitanie Montpellier 2024. | Pierre Boulez (1925-2016)
Domaines, pour clarinette solo
Johann-Sebastian Bach (1685-1750)
Partita pour violon n° 2 BWV 1004 (Allemande)
Sonate n° 3 BWV 1005 (Largo)
Pascal Zavaro (*1959)
La rose des vents
Edison Denisov (1929-1996)
Sonate pour clarinette
Nicolas Baldeyrou, clarinette | |
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