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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Pelléas et Mélisande de Debussy dans une mise en scène de Jetske Mijnssen et sous la direction de Hannu Lintu au festival de Munich 2024.
Munich 2024 (1) :
Bourgeoisie corsetée
Au festival d’été de Munich, le travail scénique tiré à quatre épingles de Jetske Mijnssen ne parvient pas à pénétrer les mystères de Pelléas et Mélisande. Heureusement, la direction d’Hannu Lintu apporte une vision tandis qu’au sein d’une solide distribution Sabine Devieilhe fascine par une conception volontaire de son personnage.
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Comme d’autres metteurs en scène avant elle, Jetske Mijnssen a choisi d’inscrire Pelléas et Mélisande dans la société bourgeoise de l’époque de sa composition. Le cadre de scène entouré d’un vilain néon présente un espace contraint et sans profondeur. Il figure un appartement où le décor se réduit à quelques meubles variant selon les tableaux. Les lumières peu variées mettent en valeur les très beaux costumes corsetant les protagonistes dans autant de prisons textiles.
La nature et le symbolisme se limitent ici à un rideau d’eau précédant le premier tableau, et à la présence de l’élément liquide au dernier acte sous le parquet qui a été retiré : des pieds dans l’eau déjà vus ailleurs, ce qui n’est pas grave en soi mais paraît ici plaqué, alors que les interludes se déroulent rideau baissé dans le noir. Tout le travail de Mijnssen se concentre de fait sur le psychodrame vécu par les membres de cette famille qui paie très fort son incapacité à communiquer.
À cette fin, elle fait apparaître à deux reprises le père malade de Pelléas, tandis qu’Arkel, Geneviève et Yniold se retrouvent plus souvent que de coutume témoins des difficultés entre les trois principaux personnages. Des situations plus ou moins convaincantes ne marquent pas un spectacle plutôt élégant mais manquant de mystère. La plus grande attention se reporte alors sur la musique, d’autant que la salle du Théâtre du Prince régent offre un écrin intime.
Dans la fosse, Hannu Lintu remplace Mirga Gražinyté-Tyla qui a renoncé il y a plusieurs mois, préférant se concentrer sur L’Idiot de Weinberg qu’elle doit présenter à Salzbourg le mois prochain. Dans le programme de salle, le chef finlandais souligne combien l’écriture de Pelléas peut paraître verticale et combien il appartient au chef d’organiser une lecture horizontale et continue. Il n’y parvient que partiellement.
Même si l’Orchestre d’État de Bavière répond avec talent à ses sollicitations, les couleurs demeurent parfois abruptes et la dynamique trop forte dans l’acoustique des lieux, finalement trop généreuse pour cette pièce. Reste que Lintu offre tout ce qui manque à la mise en scène : des images et des climats variés qui en disent davantage sur le chef-d’œuvre. Sa direction dénuée de tout sfumato perd un peu le Pelléas de Ben Bliss, ténor bien chantant mais d’un lyrisme très discret. Les autres chanteurs s’intègrent parfaitement au paysage sonore.
La Mélisande conflictuelle de Sabine Devieilhe, à la diction de rêve et au médium affirmé, marque la soirée. Pour son premier Golaud après de nombreux Pelléas, Christian Gerhaher montre toujours une compréhension et une élocution du texte faramineuses. Sans doute d’autres productions lui permettront-elles d’approfondir le personnage. La souplesse et les nuances de l’Arkel de Franz-Josef Selig en font un témoin fort émouvant, alors que la Geneviève de Sophie Koch paraît un peu roide. Quant à Hendrik Brandstetter, le soliste du Tölzer Knabenchor en charge ce soir d’Yniold, il incarne avec une fantastique présence dramatique et musicale l’enfance instrumentalisée.
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