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CRITIQUES DE CONCERTS 08 septembre 2024

Nouvelle production de La Passagère de Weinberg dans une mise en scène de Tobias Kratzer et sous la direction de Vladimir Jurowski au festival de Munich 2024.

Munich 2024 (3) :
Traversée mémorielle

© Wilfried Hösl

En ne montrant pas Auschwitz dans La Passagère, Tobias Kratzer fait appel à notre imaginaire. La violence des conflits de la mémoire n’en est pas moins là, portée par une équipe de chanteurs remarquables où Sophie Koch et Elena Tsallagova se distinguent par leur absence de pathos. La fusion avec la direction au cordeau de Vladimir Jurowski est totale.
 

Nationaltheater, MĂĽnchen
Le 13/07/2024
Thomas DESCHAMPS
 



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  • RescapĂ©e d’Auschwitz, la rĂ©sistante polonaise Zofia Posmysz avait cru reconnaĂ®tre dans les annĂ©es 1950 Ă  Paris parmi un groupe de touristes allemands la voix stridente d’une des gardiennes du camp. Elle adaptera cette expĂ©rience dans la pièce radiophonique Ă  la base de l’opĂ©ra de Weinberg en en renversant le principe : ex-gardienne SS, Lisa, qui fuit l’Allemagne en 1959 sur un paquebot pour le BrĂ©sil en compagnie de son Ă©poux diplomate, croit reconnaĂ®tre sur le pont infĂ©rieur Marta, une ancienne dĂ©tenue. Craignant que cette dernière ne compromette sa vie nouvelle, elle va revivre pendant la traversĂ©e les relations pour le moins ambiguĂ«s qu’elle entretenait avec la prisonnière.

    Depuis sa création posthume en 2010 à Bregenz, l’opéra multilingue de Weinberg a connu dix autres productions. La présente créée à Munich en mars 2024 constitue donc la douzième, mais elle est la première à voir le jour depuis la mort de Zofia Posmysz en août 2022. Celle-ci avait toujours eu une part active dans les différentes productions de l’opéra. En l’absence de ce témoin capital, le metteur en scène Tobias Kratzer n’a pu envisager une représentation concrète de l’horreur des camps.

    Les deux actes se déroulent par conséquent sur le seul paquebot, passagers et personnel de bord jouant les protagonistes de 1943 sans changer de costumes. Si les scènes censées se passer dans les baraquements d’Auschwitz ont été réduites, Kratzer ajoute judicieusement aux deux époques une troisième, contemporaine, par la présence muette d’une vieille femme portant une urne funéraire. Du jeu intensément dramatique de l’actrice, on comprend rapidement qu’il s’agit de la vieille Lisa qui fait la traversée inverse pour ramener en Allemagne les cendres de son mari défunt.

    À la fin du I, ne supportant plus ses souvenirs, elle se jette par-dessus-bord. Ce climax équilibre l’opéra dont le second acte contient la scène la plus forte avec le jeune Tadeusz, fiancé secret de Marta, auquel le commandant du camp (du paquebot) intime l’ordre de jouer au violon sa valse favorite. Au lieu de laquelle, il entonne la Chaconne de Bach et par là-même se condamne à mort. Pendant l’épilogue, un voyageur apporte à Lisa un petit téléviseur noir et blanc diffusant des images de la libération des camps.

    Une formidable équipe vocale porte avec finesse et engagement ce travail mémoriel. Si Charles Workman (le mari de Lisa) et Jacques Imbrailo (Tadeusz) se montrent impeccables comme toujours, ce sont les femmes qui figurent au cœur de l’intrigue. Sophie Koch en Lisa s’auto-persuadant d’avoir fait son travail renoue avec un tempérament dramatique de feu. Au II, dépassant la bienveillance affichée à l’égard de Marta, elle abuse verbalement et presque physiquement de la détenue incarnée de manière digne par une Elena Tsallagova lumineuse. Les petits rôles distillent des chants populaires et c’est avec une émotion considérable qu’on entend s’élever la voix de Larissa Diadkova, mémorable Marfa des années 1990 à Paris.

    Depuis la fosse, Vladimir Jurowski apporte à l’ensemble une force inouïe. Sa direction d’une grande cruauté, joue des registres avec un naturel confondant, passant des valses sarcastiques à la violence tétanisante en passant par ces mélodies naïves et terriblement émouvantes qui sont la marque indélébile d’une œuvre essentielle.




    Nationaltheater, MĂĽnchen
    Le 13/07/2024
    Thomas DESCHAMPS

    Nouvelle production de La Passagère de Weinberg dans une mise en scène de Tobias Kratzer et sous la direction de Vladimir Jurowski au festival de Munich 2024.
    Mieczysław Weinberg (1919-1996)
    La Passagère, opéra en deux actes (1968)
    Livret d’Alexandre Medvedev d’après la pièce radiophonique Pasażerka z kabiny 45 (La Passagère de la cabine 45) de Zofia Posmysz

    Chœur de l’Opéra National de Bavière
    Orchestre d'État de Bavière
    direction : Vladimir Jurowski
    mise en scène : Tobias Kratzer
    décors et costumes : Rainer Sellmaier
    Ă©clairages : Michael Bauer
    vidéo : Manuel Braun et Jonas Dahl
    préparation des chœurs : Christoph Heil

    Avec :
    Sophie Koch (Lisa), Sibylle Maria Dordel (La vieille Lisa), Charles Workman (Walter), Elena Tsallagova (Marta), Jacques Imbrailo (Tadeusz), Daria Proszek (Krystina), Lotte Betts-Dean (Vlasta), Noa Beinart (Hannah), Larissa Diadkova (Bronka), Evgeniya Sotnikova (Yvette).

     


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